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Libération
Interview

José Bové «Il n’y a qu’une solution, c’est l’interdiction»

José Bové compte porter en justice, l’affaire du «bleu de brebis». Il demande l’arrêt de la production de ce fromage élaboré par Société, qui met en péril, selon lui, l’AOP roquefort.
publié le 10 octobre 2019 à 21h21

Il y a vingt ans pile, José Bové entamait son combat contre la malbouffe en démontant un restaurant McDonald’s de l’Aveyron et en érigeant le roquefort en symbole de la résistance. Aujourd’hui, l’ancien leader de la Confédération paysanne, ancien député européen écologiste, part en guerre contre le «bleu de brebis».

Pourquoi vous être lancé dans cette bataille ?

Quand on habite un territoire et qu’on a été mobilisé pendant dix ans, on n’est pas insensible à ce qui s’y passe ! Pendant des années, j’ai été représentant des producteurs à l’interprofession de Roquefort et, déjà à l’époque, nous avions eu des problèmes d’imitation, comme en 2008, lorsque Société voulait lancer un bleu à base de lait de vache ou, plus récemment, avec le Lou Pérac. Je continue aujourd’hui ce combat. Mais là, on est monté d’un cran : on lutte contre un produit qui porte la marque Société. C’est inédit dans l’histoire de l’entreprise qui a toujours, depuis sa fondation, attaché «roquefort» à son nom et son ovale.

Ce nouveau bleu ne concerne pour l’instant qu’une centaine de tonnes de lait. En quoi est-ce une menace pour la filière tout entière ?

On connaît le système : comme pour tout lancement de produit, Société démarre avec une ambition réduite pour ensuite progresser et gagner des parts de marché. Avec le roquefort, on parle de la toute première AOC créée en 1925, d’un produit lié à un territoire, avec des contraintes de production importantes qui justifient un prix de vente élevé pour permettre aux producteurs de vivre de leur métier. C’est cela qui est menacé par l’industrie.

Lactalis [propriétaire de la Société des Caves, ndlr] semble dans une forme de fuite en avant vers une gestion industrielle : faire pisser toujours plus le lait de brebis à moindre coût. On sait ce qu'il en a coûté aux producteurs pour le lait de vache. Si on entre dans cette spirale, le roquefort pourrait être menacé à moyen terme.

Vous avez annoncé votre intention de porter l’affaire en justice, malgré la concertation en cours. Quels objectifs visez-vous ?

La médiation en cours n’a pas du tout le cadre formel tel que le prévoit normalement les interprofessions : on n’y trouve ni les consommateurs ni les salariés. J’ai le sentiment depuis le début que cette tentative de médiation est là pour gagner du temps face à la pression que nous avons lancée et qui s’exerce de tous bords, producteurs, magasins, consommateurs… Nous allons étudier avec nos avocats la riposte judiciaire. Le cœur de la procédure que nous envisageons, c’est la tromperie envers le consommateur. Pour moi, il n’y a qu’une solution de sortie à cette crise : c’est l’interdiction et l’arrêt de la production de bleu par Société.

Recueilli par G.Sy (dans l’Aveyron)