La révolution de palais a été officialisée jeudi par un communiqué laconique du groupe Renault, annonçant un changement de gouvernance à la tête du constructeur. Elle a été entérinée ce vendredi matin à l'issue d'un conseil d'administration exceptionnel. L'opération vise exclusivement le directeur général de l'entreprise, Thierry Bolloré, nommé il y a seulement dix mois.
Celui qui totalise sept années de Renault au compteur avait alors été présenté comme le numéro 2 idéal capable de piloter le groupe méchamment secoué après l'incarcération du PDG Carlos Ghosn soupçonné de fraude fiscale. Ce Breton de 56 ans est d'ailleurs passé par Michelin, avant de rejoindre la firme au losange tout comme celui qui a été nommé numéro 1 de Renault en janvier, Jean-Dominique Senard.
La directrice financière pourrait assurer l’intérim
Il semble pourtant que la greffe n’ait pas pris. Dans les couloirs du siège social du constructeur automobile certaines sources évoquent la perte de confiance de Jean-Dominique Senard à l’égard de Thierry Bolloré. Le numéro 1 reprocherait au numéro 2 de l’avoir tardivement informé sur certains aspects de la situation financière de Renault. Les mauvais résultats du premier semestre, caractérisés par une baisse de 6,7% du chiffre d’affaires, auraient également joué dans la mise à l’écart de Thierry Bolloré. Enfin, le directeur général était visiblement peu en cour aussi bien à l’Elysée qu’à Bercy. Or l’Etat est le premier actionnaire de Renault avec 15% du capital.
Enfin le conseil d'administration de Renault n'avait pas complètement légitimé le directeur général. «Thierry Bolloré a certes été nommé numéro 2 de l'entreprise, mais pas membre du conseil d'administration comme l'était Carlos Ghosn. Compte tenu de cette différence, je me suis dit que sa mission ressemblait plutôt à un CDD», indique à Libération un responsable syndical. Clotilde Delbos actuelle directrice financière va assurer l'intérim. Elle connaît bien Jean-Dominique Senard : tous deux ont été, par le passé, en poste à la direction du producteur d'aluminium Pechiney. Thierry Bolloré lui a choisi de ruer dans les brancards avant la tenue du conseil d'administration. Dans une interview donnée au quotidien économique les Echos, jeudi, il dénonce «un coup de force inquiétant» et en appelle «au plus haut niveau de l'Etat actionnaire, garant des bonnes règles de gouvernance, afin de ne pas déstabiliser Renault».