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Libération
Après l'emballement

Fausse arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès : le parquet de Nantes saisit l’IGPN

Une enquête préliminaire a été ouverte ce jeudi pour déterminer l'origine des fuites policières, après l'annonce erronée de l'interpellation de l'homme soupçonné d'avoir tué sa femme et ses quatre enfants en 2011.
En mai 2011, une émission italienne montre Xavier Dupont de Ligonnès retirant du liquide à Roquebrune-sur-Argens (Var) le 14 avril. (Photo Thomas Coex. AFP)
publié le 17 octobre 2019 à 19h43

Après le fiasco policier et médiatique viendra donc le temps de l’enquête. Le parquet de Nantes a saisi, ce jeudi, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour mener des investigations sur une violation du secret de l’enquête, a annoncé le Figaro. Il s’agit de faire la lumière sur l’origine des fuites qui, vendredi soir, ont déclenché une folle nuit d’emballement. La méprise n’a été définitivement reconnue que samedi midi avec les résultats d’un test ADN : l’homme qui a passé plus de vingt heures en garde à vue après avoir été arrêté à l’aéroport de Glasgow n’était pas Xavier Dupont de Ligonnès, soupçonné d’être l’auteur d’un quintuple assassinat en 2011, mais bel et bien Guy J., un retraité de 69 ans n’ayant rien à voir dans l’histoire.

Les protagonistes se renvoient la balle

Qui a prévenu les journalistes ? Comment se fait-il que la police française ait pu être convaincue que l’homme interpellé en Ecosse était Xavier Dupont de Ligonnès ? Pour le moment, l’origine de la pagaille reste floue, les différents protagonistes se renvoyant la balle par-dessus la Manche.

Plusieurs médias – dont Libération – ont publié au fil du week-end, dans un souci de transparence, des making of de leur travail, qui permettent de reconstituer la chronologie des événements. Ce fameux vendredi soir, «les Ecossais nous ont dit et répété : « C’est votre homme ». La comparaison d’empreintes correspond. Et ce, sans l’emploi du conditionnel», a ainsi indiqué une source au Parisien. Au Monde, c’est «un enquêteur de la police judiciaire proche du dossier Dupont de Ligonnès» qui a «appelé un des journalistes» et affirmé : «Dupont de Ligonnès a été arrêté en Ecosse. Ses empreintes viennent d’être identifiées par les Ecossais.» Erreur d’analyse et empressement dans la communication ? De fait, les enquêteurs français n’ont pas pu prendre connaissance des résultats de la comparaison d’empreintes digitales, que l’Ecosse ne leur a pas communiqués, souligne le Parisien.

Le procureur de Nantes, Pierre Sennès.

Photo Sébastien Salom-Gomis. AFP

Contactée par Libération, la police écossaise, elle, nie toute fuite de ses équipes. Son service de communication martèle cette même phrase : «Les empreintes digitales de l’homme arrêté à l’aéroport de Glasgow ont été relevées mais elles n’ont jamais matché, même partiellement, avec celles de Xavier Dupont de Ligonnès. La police d’Ecosse n’a jamais annoncé, publiquement ou en privé, que l’homme en garde à vue était Xavier Dupont de Ligonnès.» Et les Français de démentir à leur tour. Selon l’AFP, une «source française proche de l’enquête» assure que la police écossaise a affirmé «à quatre reprises» à ses homologues français, ainsi qu’au «magistrat de liaison», avoir arrêté le suspect du quintuple assassinat de Nantes.

Versions irréconciliables

Les versions semblent donc irréconciliables et ne donnent aucun indice sur ce qui a pu provoquer la redoutable confusion. Toujours est-il que l’identification de Dupont de Ligonnès était plus qu’une rumeur : selon nos informations, un mail émanant d’une source diplomatique a transité par les circuits de la coopération policière internationale avant d’atterrir, dans la soirée, dans les boîtes mail de plusieurs services de police et de gendarmerie. Il y était écrit, sans conditionnel, que Xavier Dupont de Ligonnès venait d’être arrêté, et que la juge d’instruction en charge du dossier en avait été avisée. Ce n’est que vers minuit trente que le procureur de la République de Nantes, Pierre Sennès, a communiqué en appelant à la «prudence» dans une interview à l’AFP. Contacté par Libération, il n’a pas donné suite à nos sollicitations.