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Libération
Interview

Pédiatrie en Ile-de-France : «Une situation à hauts risques»

publié le 18 octobre 2019 à 21h06

L’énorme bourde. En ouvrant sans régulation des postes d’internes en médecine générale (la plupart affectés en pédiatrie ensuite), l’administration a créé des déséquilibres gravissimes. Au point que plus d’une vingtaine de chefs de service de pédiatrie d’Ile-de-France viennent de s’alarmer du manque d’internes auquel ils risquent de faire face cet hiver.

«Plusieurs services ne seront pas en mesure d'assurer l'accueil des urgences pédiatriques à partir du 4 novembre», écrivent-ils dans un communiqué, interpellant la responsabilité du gouvernement et de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Un des signataires, le docteur Philippe Bensaid, chef de service de pédiatrie à l'hôpital d'Argenteuil (Val-d'Oise), nous détaille ses craintes.

La situation est-elle vraiment inquiétante ?

Oui. Avec cette ouverture de postes d’internes à Paris et dans la région parisienne sans la moindre régulation au regard des besoins, nous allons nous retrouver dans une situation à hauts risques. Déjà que les services d’urgence en pédiatrie ne devraient pas se reposer sur des internes, qui sont des étudiants en formation, là, faute de pédiatres et faute d’internes, que va-t-il se passer ? En plus, l’arrivée de l’hiver est toujours un moment tendu, avec les épidémies chez les enfants. Tout cela intervient, faut-il le redire, dans un contexte de manque de places et de personnel, avec des difficultés fortes pour faire des transferts. Bref, on n’avait vraiment pas besoin de cela. Ça va créer en plus des disparités inimaginables.

C’est-à-dire…

Il y a des territoires qui vont être surdotés alors qu'ils n'ont rien demandé. Par exemple, à l'hôpital d'Orsay [Essonne], il y avait cinq internes. Là, ils vont en avoir onze. A Bry-sur-Marne [Val-de-Marne], ils passent de quatre à neuf. Dans le Val-de-Marne, il y avait 37 postes d'internes en médecine générale, ils sont tous pourvus. Ailleurs, c'est le désert. Dans le département du Val-d'Oise, dans les quatre hôpitaux, il y aura seulement deux internes de médecine générale. Même situation de tension en Seine-et-Marne ou en Essonne. Nous, à Argenteuil, nous avons un service très dynamique avec de jeunes pédiatres, mais si nous n'avons plus d'internes, cela peut entraîner de grandes difficultés… A l'hôpital d'Eaubonne [Val-d'Oise], ils n'auront aucun interne sur les dix postes à pourvoir.

Ne peut-on pas revenir sur ces affectations ?

Cela ne semble pas possible, le tribunal administratif casserait, dit-on, ce changement.

Que va-t-il se passer ?

L’Agence régionale de santé d’Ile-de-France est consciente de la gravité de la situation. On nous parle de recrutement en urgence de médecins à diplôme étranger, de recontacter aussi d’anciens internes. Il y a une solidarité entre les différents services de pédiatrie de la région mais tout cela va mettre du temps. Et la situation est déjà terriblement difficile.

Recueilli par Éric Favereau