L'immeuble est cossu et très bien situé, à une cinquantaine de mètres seulement du Vatican, le centre névralgique du catholicisme mondial. Sous le coup, en France, d'au moins trois plaintes pour agressions sexuelles, le nonce Luigi Ventura s'est installé depuis la mi-septembre dans une propriété du Vatican où il dispose d'un spacieux appartement. La propriété abrite, selon plusieurs sources à Rome, un certain nombre de diplomates du Saint-Siège à la retraite.
Jusqu'à présent, le Vatican n'a pas confirmé que le nonce avait été relevé de ses fonctions diplomatiques à Paris, ni nommé un successeur. Pourtant d'autres nominations de nonces ont eu lieu depuis la rentrée de septembre. «C'est le black-out sur cette affaire», confirme une source à la curie romaine (le gouvernement de l'Eglise), signant l'embarras des autorités catholiques.
Enquête interne
«Le Vatican attend probablement la fin de l'année pour officialiser le départ de Luigi Ventura», estime un expert des affaires vaticanes. A ce moment-là, le diplomate aura atteint ses 75 ans, âge auquel les responsables de l'Eglise catholique prennent leur retraite.
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Pour l’heure, le futur ex-nonce à Paris mène une vie très discrète, voire recluse, selon plusieurs vaticanistes. L’Eglise catholique demeure également discrète sur les procédures internes en cours le concernant. Selon les normes édictées pour lutter contre les abus sexuels, la Congrégation pour la doctrine de la foi (l’ex-Saint-Office), le «ministère» qui gère ces questions, devrait avoir ouvert une enquête interne.
Quoi qu’il en soit, le Vatican a pris la mesure de la gravité du dossier. Début juillet, l’immunité diplomatique du nonce a été levée, permettant la poursuite de la procédure judiciaire en France. Une telle décision est tout à fait exceptionnelle, voire historique.
Manque de suivi du dossier
En France, la hiérarchie catholique est très gênée et très silencieuse concernant l’affaire Ventura qui implique notamment un jeune séminariste, l’un des trois hommes à avoir porté plainte contre le nonce. Plusieurs témoignages émanant de milieux catholiques sont venus étayer les accusations portées contre Luigi Ventura.
Selon des informations recueillies par Libération, plusieurs très hauts responsables catholiques français étaient au courant de la conduite inappropriée du nonce. Celui-ci dément les accusations portées contre lui. Avant les premières plaintes déposées en février, aucune information n'avait été transmise par la hiérarchie catholique française à la Secrétairerie d'Etat (l'équivalent de Matignon et du quai d'Orsay au Vatican). Selon les normes édictées récemment par le pape François, le manque de suivi du dossier par les responsables catholiques français pourrait susciter des sanctions.