Menu
Libération

Confusion

publié le 22 octobre 2019 à 20h46

Depuis des années, les Français ont malheureusement, attentats à répétition obligent, été appelés à être davantage attentifs. Des habitudes, voire des réflexes, jadis impensables, ont été intégrés par une immense majorité. On n'hésite plus, par exemple, à signaler un sac abandonné dans une rame de métro ou un hall d'aéroport. Vigipirate est passé par là. Une vigilance naturelle acceptée sans broncher dans les jours qui suivent un attentat est, au fil du temps, devenue une norme. Le dernier attentat, commis au cœur de la préfecture de police de Paris, qui a vu un de ses agents tuer au couteau quatre de ses collègues, a poussé le président de la République à appeler les Français «à bâtir une société de vigilance». Un nouveau cap a-t-il été franchi ? Pour être précis, le chef de l'Etat a pris soin de compléter : «la vigilance, et non le soupçon qui corrompt». Il n'empêche que cet appel à une «évolution culturelle», comme l'a relayé le Premier ministre, pose problème. Edouard Philippe le reconnaît lui-même, puisqu'il qualifie cette «société de vigilance» de «difficile» et «risquée», avant de la juger «nécessaire». Les risques ? Ils n'ont pas tardé à apparaître, par exemple dans cette circulaire grotesque rédigée dans une université pour aider à détecter ces fameux «signaux faibles» de radicalisation islamiste. Signal faible ou signal faux, où est la frontière ? Certains se sont à juste titre inquiétés des amalgames entre citoyens musulmans et islamistes radicalisés que cette «société de vigilance» allait favoriser. Le risque existe, l'extrême droite et une partie de la droite l'alimentent sans scrupules. Mais il reste limité. Globalement, la société française, après chaque attentat, a prouvé son refus de cet amalgame. Le vrai risque est davantage dans cette confusion dangereuse entre le rôle de l'Etat, ses services de police et de surveillance dont la mission est d'être en alerte, et celui des citoyens. Sauf à demander à ces derniers d'être dans la défiance permanente plutôt que soucieux des règles de vivre ensemble.