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Seine-Saint-Denis : un plan de secours pour l’exécutif

Les annonces de ce jeudi pour le 93 visent à pallier les carences de l’Etat et à faire oublier les attentes déçues.
A La Courneuve dimanche, le chantier du Grand Paris Express.   (Photo Cyril Zannettacci. VU pour Libération)
publié le 30 octobre 2019 à 20h56
(mis à jour le 31 octobre 2019 à 9h19)

Une prime de 10 000 euros pour les agents de l'Etat demeurant au moins cinq ans à leur poste en Seine-Saint-Denis : c'est l'une des vingt-trois mesures - et sans doute la proposition qui retiendra le plus l'attention - que doit présenter Edouard Philippe, ce jeudi à Bobigny, pour répondre à «l'impuissance de l'Etat» dans le département selon les termes d'un rapport parlementaire publié l'an passé. Quelques-uns des principaux membres de l'exécutif accompagneront le Premier ministre dans le 93, de Nicole Belloubet (Justice) à Agnès Buzyn (Santé et Solidarités) en passant par Jean-Michel Blanquer (Education), Julien Denormandie (Logement), Christophe Castaner (Intérieur) et son secrétaire d'Etat, Laurent Nuñez. Ce plan, «c'est du sur-mesure» pour le 93, résumait mercredi Matignon.

Cette panoplie d'annonces vise à réarmer les services de l'Etat dans un territoire marqué par leur forte sollicitation, des conditions d'exercice souvent difficiles et sa faible attractivité pour les agents publics. «En Seine-Saint-Denis, on trouve souvent des agents dont c'est le premier poste, donc peu expérimentés, et qui en plus partent davantage», explique l'équipe du Premier ministre. Si Matignon n'a pas indiqué le coût total de ces mesures, celui-ci se monte à plusieurs dizaines de millions d'euros par an et doit bénéficier aux services policiers, judiciaires, scolaires et sanitaires du département.

Fragilité

Remis en mai 2018, le rapport des députés François Cornut-Gentille (LR) et Rodrigue Kokouendo (LREM) avait alerté l’exécutif sur la situation jugée dramatique du service public dans ce territoire en grande fragilité sociale et dont, notaient les auteurs, même le nombre exact d’habitants est incertain. Edouard Philippe avait, quatre mois plus tard, reçu les parlementaires locaux à Matignon. Avant de charger le préfet de la Seine-Saint-Denis d’animer, au premier semestre 2019, une série d’ateliers avec les élus.

Un processus jugé encourageant par ses acteurs, y compris membres de l'opposition : «Je crois que l'Etat a pris conscience de la spécificité du 93, estimait récemment auprès de Libération la députée (LFI) Clémentine Autain. On se dirige vers une victoire, reste toutefois à en connaître l'ampleur car l'urgence touche tous les domaines.»

A Bobigny, mardi.

Photo Cyril Zannettacci. Vu pour Libération

Mesure la plus spectaculaire du plan, la prime de fidélisation des fonctionnaires sera mise en place en 2020. «Dans le 93, la durée de séjour des agents de l'Intérieur est de 2,7 années en moyenne, contre sept ans dans l'Essonne», indique une source officielle. D'un coût de 35 millions d'euros annuels, elle concernera en priorité les agents «de première ligne» : enseignants, policiers, agents de guichet, inspecteurs des affaires sanitaires et sociales… L'exécutif réfléchit encore à l'étendre ou pas, et selon quelles modalités, à la totalité des 39 000 fonctionnaires de Seine-Saint-Denis.

En matière judiciaire, policière et sanitaire, le gouvernement va répondre à la saturation des services par de nouvelles embauches. «Le sentiment existe que, quand on est justiciable dans le 93, on n'obtient pas justice, reconnaît Matignon. Les délais dans les tribunaux sont quasiment deux fois plus longs que la moyenne.» Trente-cinq postes de greffier et douze postes de magistrat seront créés dans le département, de même que 150 postes de policier d'ici à 2021 : 100 officiers de police judiciaire et 50 agents pour la police de sécurité du quotidien (PSQ), une police de proximité qui sera introduite à Saint-Ouen et à La Courneuve. Cinq nouveaux inspecteurs des affaires sanitaires et sociales, enfin, doivent permettre un «doublement de la capacité à constater» l'état insalubre de certains logements du 93.

Plan Borloo

Un important volet immobilier doit permettre la rénovation de deux commissariats, des urgences hospitalières de Montreuil, Montfermeil et Aulnay-sous-Bois, l’extension d’ici à 2026 du tribunal de grande instance de Bobigny, saturé, ou encore le relogement de la sous-préfecture de Saint-Denis. En matière sanitaire, le plan prévoit notamment la prise en charge jusqu’à 100 % de l’investissement pour les médecins s’installant dans le département.

A La Courneuve, mardi.

Photo Cyril Zannettacci. Vu pour Libération

On saura ce jeudi quel accueil les élus réservent à ces mesures, dans un département habitué aux «grands plans» et autres «mesures d'urgence», le plus souvent sans grands effets. L'exécutif peut difficilement se permettre un nouveau rendez-vous manqué, un an et demi après avoir douché les espoirs des élus en enterrant le plan Borloo. Au printemps 2018, le chef de l'Etat s'était déclaré sceptique envers des «politiques spéciales» et les «zonages», craignant qu'ils n'encouragent une «concurrence des territoires». Une question que reposeront peut-être les avantages promis aux fonctionnaires de Seine-Saint-Denis. «Si d'autres territoires présentent des caractéristiques identiques, ces mesures pourront peut-être y être appliquées. Mais nous n'en avons pas identifié qui présentent, de manière aussi massive et systématique, les enjeux» du 93, répondait mercredi Matignon.