Alors que la discussion budgétaire doit aborder cette semain le financement du ministère de la Transition écologique, le député Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, déplore le manque d'ambition du gouvernement en la matière. Bénédicte Peyrol, députée LREM de l’Allier, lui répond en soulignant les signaux positifs envoyés par le gouvernement.
Matthieu Orphelin: «Il manque 15 milliards d’euros par an d’investissements»
Le député du Maine-et-Loire, passé par Europe Ecologie-les Verts, a quitté le groupe LREM à cause d’un désaccord avec la politique du gouvernement dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Le gouvernement annonce une augmentation des crédits du ministère de la Transition écologique, êtes-vous satisfait ?
C’est compliqué de répondre oui… C’est vrai, un certain nombre de dispositifs nouveaux vont dans le bon sens comme le crédit d’impôt pour la transition écologique (CITE) transformé en prime directe ou le financement des mobilités douces via la hausse des crédits dévolus à l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF). Mais ce budget manque cruellement d’investissements. Si la France veut pouvoir respecter sa stratégie bas carbone – et encore plus si on veut réhausser les engagements pris dans l'accord de Paris –, il manque 15 milliards d’euros par an d’investissements publics et privés. En 2023, l’écart sera de 30 milliards. Un gouffre. (Photo AFP)
Que devrait faire, selon vous, le gouvernement ?
Mettre en place un «plan Marshall» de la transition écologique. On ne peut plus attendre. La France a besoin d’un nouveau grand plan d’investissement beaucoup plus ambitieux que celui décidé et lancé en début de quinquennat. Pour plusieurs raisons, ce dernier a du mal à être mis en œuvre.
L’Etat ne doit donc pas avoir peur de s’endetter pour financer la transition écologique…
Non. Surtout quand les taux d’intérêt sont aussi bas ! Nous pouvons nous permettre des investissements dans ce domaine. Nous ne le regretterons pas. Et même si notre déficit se creuse un peu, ce serait un vrai choix politique que Bruxelles comprendrait. Un grand plan de rénovation thermique de nos universités, par exemple, soutiendrait l’économie et permettrait, à terme, de faire des économies d’énergie.
Quels autres chantiers seraient prioritaires ?
Il faut investir beaucoup plus massivement dans la mobilité et nos infrastructures. Que ce soit dans le ferroviaire ou le vélo. Par ailleurs, il faut accompagner nos agriculteurs, mettre tous les moyens nécessaires pour les aider, soutenir leurs investissements pour faciliter la transition vers des modes de culture et d’élevage plus respectueux de l’environnement. Pour changer leurs pratiques, il faut que l’Etat les accompagne, et pour cela, il faut investir.
Enfin, il faut remobiliser l’épargne des particuliers en direction des projets environnementaux. Au premier semestre 2019, les Français ont déposé 17 milliards d’euros sur leur assurance-vie. Seulement 1 % à 2 % de cette somme ont permis de financer la transition écologique ! C’est trop peu. Il faut réfléchir, comme on a pu le faire par le passé avec le livret développement durable, à créer de nouveaux produits d’épargne pour mieux orienter l’argent et financer la lutte contre le réchauffement climatique.
Bénédicte Peyrol:«L’exécutif a compris que le budget est un élément clé pour réaliser la transition écologique»
Membre de la commission des finances de l’Assemblée nationale et considérée comme une écologiste au sein de la majorité, Bénédicte Peyrol, députée LREM de l’Allier, avait alerté l’an dernier sur les «incompréhensions» liées à la taxe carbone.
Le gouvernement annonce une augmentation des crédits du ministère de la Transition écologique, êtes-vous satisfaite ?
Oui. Surtout, ce budget concrétise l’une de nos promesses de transformer le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime directe. C’est un signal positif d’un gouvernement et d’une majorité qui accompagnent les classes moyennes et populaires dans la transition. Jusqu’à aujourd’hui, la moitié du CITE bénéficiait aux 20 % les plus aisés car les plus précaires n’avaient pas les moyens d’avancer les frais. Le reste à charge, lorsqu’il s’agit d’investir dans la rénovation thermique, était bien trop grand. C’est très important maintenant d’informer les ménages qui peuvent en bénéficier et d’identifier, notamment dans les territoires ruraux, ceux en situation de précarité énergétique. On peut se faire plaisir à empiler des crédits et à modifier des dispositifs au Parlement, mais si, derrière, l’accompagnement n’existe pas, ça ne sert à rien. (Photo AFP)
Exactement le constat que vous aviez fait l’an dernier avec le chèque énergie…
Tout à fait. Beaucoup de ménages n’ont pas compris de quoi il s’agissait quand ils le recevaient dans leur boîte aux lettres. Certains avaient des difficultés à l’utiliser, d’autres même le déchiraient avant de l’encaisser ! A nous d’informer les Français pour faire en sorte que les milliards d’euros mis sur la table aillent bien dans leur quotidien.
L’an dernier, avant même les gilets jaunes, vous aviez alerté le gouvernement sur le déficit de compréhension des Français sur la contribution carbone…
Oui. La tarification environnementale – qui, j’insiste, peut ne pas prendre la forme d’une «taxe» – n’a jamais été un sujet très clair pour les Français et n’a pas été portée. Dans un monde idéal, j’aimerais que lorsqu’on se sert à la pompe à essence, on puisse savoir, comme c’est le cas pour la part de biocarburants, combien on paie de contribution climat énergie. L’an dernier, les Français auraient vu sur leur ticket de caisse que l’augmentation des prix des carburants était liée non pas aux taxes mais aux cours mondiaux ! On a manqué de transparence dans le budget de l’Etat. Cette année, le gouvernement a produit un premier document nous permettant d’avoir une vision plus transversale. L’an prochain, il faudra aller plus loin pour connaître précisément les dépenses favorables et défavorables à l’environnement. Si, d’un côté, on met de l’argent dans la transition énergétique mais que, de l’autre, on subventionne les énergies fossiles, ça ne marchera pas.
Le gouvernement en a-t-il pris conscience ?
Oui. Les mentalités ont vraiment changé. L’exécutif a compris que le budget est un élément clé pour réaliser la transition écologique. Mais ne regardons pas seulement les crédits d’un seul ministère ! Regardons aussi ce qu’il y a du côté de l’Agriculture, de la Recherche, de l’Economie…
Pourquoi ce changement ?
Les gilets jaunes, les marches pour le climat, les interventions fortes – quoi qu’on en pense – de Greta Thunberg, le résultat des élections européennes et les victoires des écologistes en Europe… Le gouvernement est obligé de répondre à tout cela.