Retropédalage ? Le parquet national financier (PNF) vient de demander à la justice britannique un report de l'audience, prévue début décembre, en vue de statuer sur le mandat d'arrêt européen délivré à l'encontre d'Alexandre Djouhri. Au motif que «l'affaire soulève une question de droit nouvelle, complexe et importante», elle pourrait être reportée à mars 2020. Ce petit jeu du chat et de la souris dure depuis bientôt deux ans, le controversé intermédiaire franco-algérien étant interpellé en janvier 2018 à l'aéroport de Londres, en provenance de Genève, suite à une demande de la justice française dans le cadre de l'enquête pénale sur d'éventuels financements libyens de la sarkozie.
Dans le genre «attrape-moi si tu peux», Djouhri, natif du 9-3 et désormais résident suisse, titulaire d'un passeport algérien, est un orfèvre, d'autant que la justice hexagonale enchaîne les vices de forme. Son domicile genevois est connu : le juge d'instruction Serge Tournaire connaît parfaitement le lieu pour avoir assisté personnellement à une perquisition, en mars 2015, dans le cadre d'une coopération judiciaire franco-suisse. Mais au lieu de le convoquer par écrit, à son adresse, les enquêteurs français se sont contentés de le contacter par SMS, puis par coup de fil, procédures peu orthodoxes. Avant de lancer subitement un mandat d'arrêt européen fin 2017 : les Suisses ne souhaitant pas l'exécuter, c'est donc au Royaume-Uni, à l'occasion d'une visite chez sa fille, qu'il sera interpellé, incarcéré deux mois, puis assigné à résidence.
Bourdes procédurales
Pourquoi autant de bourdes procédurales avant d'avouer, penaudement, que l'affaire est «complexe» ? Un mandat d'arrêt doit théoriquement être motivé par un risque de fuite ou un danger imminent, des conditions que le PNF peine à démontrer. L'objectif initial des enquêteurs français paraissait clair : incarcérer Djouhri après son audition. Cela transparaît dans leur demande transmise outre-Manche, où ils vantent les mérites de la section hospitalière de la prison de Fresnes. «Ils ne veulent pas m'interroger, mais me punir», fulmine l'intéressé depuis Londres : «Ils ont menti en prétendant que j'étais en fuite, ils ont commis un faux !»
C'est peu dire que le bonhomme fait débat. Il se présente comme un «investisseur», terme bien plus seyant qu'intermédiaire, quand ses contempteurs le décrivent comme un parasite des affaires, avide de commissions glanées ici ou là. Bagou incroyable, en tout cas, dans les petits papiers de la chiraquie puis de la sarkozie, passant aisément de l'une à l'autre. Mais désormais blacklisté en macronie. Dans le dossier libyen, son ombre apparaît dans deux sous-volets, postérieurs à l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007, donc sans lien avec le financement de sa campagne : la revente à prix d'or (500 000 euros) de deux modestes tableaux appartenant à Claude Guéant, la cession tout aussi vertigineuse (dix millions d'euros) d'une villa sise à Mougins au gouvernement libyen. Avec, dans les deux cas, une myriade de sociétés offshore : tout l'enjeu de l'enquête pénale en cours consiste à vérifier s'il en serait l'ayant droit, le bénéficiaire économique, le chef d'orchestre clandestin ou rien de tout cela – rayez la mention inutile.
Erratum sur l’extradition d’Alexandre Djouhri (12/11/2019)
Dans son édition du 6 novembre, Libération a écrit, par erreur, que le Parquet national financier (PNF) avait demandé un report de l'audience devant la cour d'appel de Londres au sujet de l'extradition d'Alexandre Djouhri, intermédiaire franco-algérien controversé visé par l'enquête pénale sur le financement présumé par la Libye de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. En réalité, c'est le procureur spécialiste des extraditions au sein du Crown Prosecution Service, le service des poursuites judiciaires de la Couronne, qui a effectué une telle démarche. Une demande de report motivée par une difficulté procédurale, «substantielle, nouvelle et complexe». «S'agissant d'une procédure britannique, le PNF ne peut absolument pas intervenir», nous fait savoir la juridiction financière. Toutes nos excuses pour cette confusion.
Après avoir bataillé pour un tel report, la défense de Djouhri s'y oppose désormais. Elle estime que l'homme d'affaires de 60 ans, victime d'une série d'accidents cardiaques, n'est pas éligible à la prise en charge de la Sécurité sociale britannique. Et réclame son retour en Suisse, où il est officiellement domicilié. Les magistrats anticorruption français du PNF ont lancé deux mandats d'arrêt européens contre l'intermédiaire en décembre 2017 et février 2018 pour «complicité de détournements de fonds publics» et «corruption». Le tribunal londonien de Westminster avait ordonné son extradition le 26 février. Mais l'appel formé par Djouhri a bloqué l'exécution de cette mesure et il n'a toujours pas été examiné par la justice britannique.
Erratum. Libération a écrit, par erreur, que le Parquet national financier (PNF) avait demandé un report de l'audience devant la cour d'appel de Londres au sujet de l'extradition d'Alexandre Djouhri, intermédiaire franco-algérien controversé visé par l'enquête pénale sur le financement présumé par la Libye de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. En réalité, c'est le procureur spécialiste des extraditions au sein du Crown Prosecution Service, le service des poursuites judiciaires de la Couronne, qui a effectué une telle démarche. Une demande de report motivée par une difficulté procédurale, «substantielle, nouvelle et complexe». «S'agissant d'une procédure britannique, le PNF ne peut absolument pas intervenir», nous fait savoir la juridiction financière. Toutes nos excuses pour cette confusion.
Après avoir bataillé pour un tel report, la défense de Djouhri s’y oppose désormais. Elle estime que l’homme d’affaires de 60 ans, victime d’une série d’accidents cardiaques, n’est pas éligible à la prise en charge de la Sécurité sociale britannique. Et réclame son retour en Suisse, où il est officiellement domicilié. Les magistrats anticorruption français du PNF ont lancé deux mandats d’arrêt européens contre l’intermédiaire en décembre 2017 et février 2018 pour «complicité de détournements de fonds publics» et «corruption». Le tribunal londonien de Westminster avait ordonné son extradition le 26 février. Mais l’appel formé par Djouhri a bloqué l’exécution de cette mesure et il n’a toujours pas été examiné par la justice britannique.