Un score sans appel. Damien Abad, député de l’Ain, a été élu mercredi en fin de matinée président du groupe LR au Palais-Bourbon, avec 64 voix, contre 37 pour son adversaire, Olivier Marleix. Entre les deux tours, le député du Bas-Rhin Patrick Hetzel estimait pourtant que Damien Abad n’était plus très loin d’avoir atteint son plafond de voix. A l’issue du premier tour, le jeune quadra avait recueilli 34 voix, contre 20 seulement pour le député de l’Eure-et-Loir. L’écart était creusé.
«Damien a bénéficié de l'éparpillement des voix. Il avait une vraie dynamique et l'écart de voix était trop important pour être remonté», constate Julien Aubert, député du Vaucluse et ancien candidat à la présidence de LR. «Damien a mené une vraie campagne, avec un programme écrit et en couleurs. Il a vu tout le monde et puis il en avait vraiment envie», ajoute Valérie Boyer, élue dans les Bouches-du-Rhône. En 2017, Abad s'était déjà présenté à la présidence du groupe face à Christian Jacob. A l'époque, il avait obtenu 34 voix. «Depuis cette date, il s'est employé à construire ses réseaux. Ça a fini par payer», note un député.
«Ne pas donner l’impression d’une bataille de chiffonniers»
Les quatre autres candidats en lice – Daniel Fasquelle (Pas-de-Calais), Philippe Gosselin (Manche), Véronique Louwagie (Orne) et Michèle Tabarot (Alpes-Maritimes) – ont décidé de se retirer de la compétition à l'issue du premier tour de scrutin. Avec respectivement 17 et 14 voix, Tabarot et Fasquelle, trésorier de LR, auraient pu se maintenir. Les trois quarts d'heure de tractations entre les deux tours les en ont dissuadés. «Mais ils s'étaient déjà mis d'accord sur ce point avant le vote. Il ne fallait pas donner l'impression d'une bataille de chiffonniers», confie un autre député. La surprise est plutôt venue du score assez piteux de Gosselin, 7 voix seulement, alors qu'il était annoncé comme le troisième homme de ce scrutin. «Sauf qu'il n'a pas fait campagne», précise Valérie Boyer. Dans cette élection, «Olivier Marleix a sans doute souffert d'apparaître comme le candidat de Christian Jacob, et donc de François Baroin. Fasquelle, lui, a payé sa proximité avec Juppé», analyse un député.
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Spécialiste des questions budgétaires et fiscales, Damien Abad entame son parcours politique chez Les Centristes, au Nouveau Centre d’Hervé Morin. D’abord comme chargé d’études au sein du groupe puis comme président du mouvement des jeunes en 2008, et enfin comme secrétaire général adjoint. Pour le président de la région Normandie, Abad est l’étoile qui monte. Au point qu’il devient député européen pour la circo Sud-Est en juin 2009, à tout juste 29 ans. Bien décidé à se faire élire député aux législatives de juin 2012, ce qu’il réussira, il prend pied dans le département de l’Ain et quitte les rangs du Nouveau Centre pour ceux de l’UMP. La défection laissera un goût amer à Hervé Morin.
«Un bon point d’équilibre»
Elu sous les couleurs de l’UMP, puis réélu en 2017 sous celles de LR, ce soutien de Bruno Le Maire lors de la primaire interne pour la dernière présidentielle aurait pu trouver une place en macronie avec le futur ministre de l’Economie. Mais Abad se range derrière François Fillon et en devient même l’un des porte-parole durant la campagne. Et il ne lui mégotera pas son soutien au plus fort de la crise. Pour la présidence de LR, il parraine ensuite Laurent Wauquiez, qui, une fois élu, en fait son troisième vice-président. Mais, depuis l’élection de Christian Jacob à la tête du parti, il n’occupe plus aucune fonction officielle dans l’organigramme.
Atteint d'une maladie génétique, l'arthrogrypose, Damien Abad s'est toujours refusé à endosser le costume de l'«handicapé de service». A 39 ans, il va donc prendre les rênes d'un groupe qui cherche son rôle entre opposition systématique et posture «constructive» sur certains textes. Damien Abad s'est ainsi abstenu sur le texte de loi ouvrant la PMA à toutes les femmes. «Le rôle d'un président de groupe, c'est de faire de la politique et d'être capable d'envoyer des signaux forts», résume Julien Aubert. «Il a montré qu'il était capable de s'opposer à Christian Jacob et en même temps de travailler avec lui. C'est un bon point d'équilibre, on est à équidistance entre l'indépendance, qui serait une mauvaise chose, et la vassalité, qui serait aussi mauvaise», poursuit le député de Vaucluse. Damien Abad sait que son principal défi sera de maintenir la cohésion du groupe LR jusqu'en 2022. Un chemin de croix.