Le 1er février 1977, vers 20 heures, Jacky Imbert rentre chez lui à Cassis après une partie de belote. Alors qu'il se gare sur le parking de sa résidence, trois hommes cagoulés ouvrent le feu sur lui. Il est touché de 22 balles, perd un œil, écope d'un bras quasi paralysé, mais survit, décrochant le surnom de «l'Immortel». Avant cette tentative d'assassinat, cette figure de la pègre marseillaise en avait déjà un : Jacky le Mat, «le fou» en gouaille de truand du Sud. Immortel, ou presque : Jacky le Mat est mort ce lundi à l'hôpital d'Aix-en-Provence. De vieillesse, à l'âge de 89 ans.
Né à Toulouse en 1929, c'est à Paris qu'Imbert lie définitivement son destin à celui des grandes figures du banditisme marseillais d'alors. Dans un cabaret du IXe arrondissement, près de Pigalle, il rencontre Tany Zampa, alors étoile montante du milieu, qu'il aidera à gagner ses galons de «patron».
Installé à Marseille au milieu des années 60, Imbert fréquente le milieu des courses, option paillettes. Sacré champion de France amateur de trot, il s’associe même avec Alain Delon pour monter sa propre écurie de course. Jusqu’à ce qu’en 1974, son implication dans une affaire de courses truquées ne le bannisse des hippodromes.
«Je crois en la justice divine»
Les courses, le show-biz, les boîtes de nuit… Dès 1968, Jacky Imbert est fiché au grand banditisme. Le Mat mène sa propre carrière, émancipé du clan Zampa, devenu en quelques coups le parrain incontesté du milieu marseillais. C'est l'allié des débuts qu'Imbert soupçonne d'être à l'origine de la tentative ratée d'assassinat de 1977. Des années plus tard, il se confiera sur le sujet au Nouvel Obs : «Je crois en la justice divine. Je n'ai jamais su qui étaient ceux qui m'ont tiré dessus, mais la rumeur a désigné des coupables.» Abattu pour deux d'entre eux, Zampa s'étant suicidé en prison en 1984.
Souvent cité dans des affaires, la justice aura pourtant du mal à prendre le Mat la main dans le sac. En 1993, il avait été arrêté près de Marseille lors d’un vaste coup de filet au côté de son ami Francis «le Belge», autre légende du banditisme local. Incarcéré pour association de malfaiteurs, il avait finalement été libéré un an et demi plus tard. En 2004, par le jeu des prescriptions, son casier est vierge quand il est condamné à quatre ans de prison pour un projet de contrebande de cigarettes… avant d’être relaxé en appel deux ans plus tard.
Lors de son dernier passage au tribunal, devant la cour d'appel d'Aix en 2008, celui qui se présentait comme un «paisible retraité du show-biz» écope de deux ans de prison ferme, pour une affaire d'extorsion de fonds remontant aux années 90. Depuis quelques années, il vivait en toute discrétion à Fuveau, près d'Aix, avec son épouse. En 2007, lorsque le journaliste Franz-Olivier Giesbert sort son livre l'Immortel, inspiré de cette fameuse tentative d'assassinat ratée – qui sera ensuite adaptée au cinéma par Richard Berry –, le «paisible retraité» évitera soigneusement les sollicitations des journalistes. A l'été 2014, il s'était tout de même livré au journal la Provence. Un peu nostalgique : «Marseille n'est plus tenue par personne, regrettait-il alors. On ne respecte plus rien.»