Patrick Balkany va donc rester en prison : ainsi en a décidé ce mercredi matin la cour d'appel de Paris, rejetant sa demande de mise en liberté suite à sa condamnation à cinq ans de prison ferme, prononcée le 18 octobre pour blanchiment en raison, entre autres, d'un «enracinement sur longue période dans la délinquance rémunératrice». La même cour d'appel, avec le même président François Reygrobellet, avait pourtant décidé de le libérer dans le premier volet, celui de la «simple» fraude fiscale, dans lequel le maire (LR) de Levallois-Perret avait écopé de quatre ans de prison ferme avec incarcération immédiate. On ignore encore les motivations du refus des magistrats, qui ont simplement fait référence à l'article 144 du code de procédure pénale. Lequel mentionne, parmi les raisons qui peuvent justifier le maintien en détention, la garantie du «maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice» ou encore le «trouble exceptionnel à l'ordre public».
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En théorie, Patrick Balkany – qui va déposer une nouvelle demande de mise en liberté, a fait savoir son avocat, Eric Dupont-Moretti – est toujours présumé innocent, tant que ses deux condamnations n’auront pas été confirmées en appel (le premier volet sera examiné à partir du 11 décembre, et le second en tout état de cause avant la mi-mars) puis, le cas échéant, en cassation. Le bougre usera naturellement de toutes les voies de recours possibles, pendant des années, et pourquoi pas devant la Cour européenne des droits de l’homme… Cela vaut aussi pour la peine complémentaire de dix ans d’inéligibilité qui lui a été infligée dans les deux volets : même en cas de confirmation en appel, s’il se pourvoit en cassation, il sera parfaitement apte à sa réélection lors des prochaines municipales.
«Plus un rond»
A l'audience devant la cour d'appel, début novembre, le maire sortant avait sciemment entretenu le doute : «On dit que je veux me représenter, je n'en suis pas sûr du tout.» Et d'ajouter, un poil défaitiste sur les recours à venir : «Je sais bien qu'il y a une peine d'inéligibilité et que même si j'allais à l'élection, ce serait pour un an.» Reste qu'il serait alors réélu à coup sûr, la balkanymania locale étant ce qu'elle est…
A priori, le rejet de sa demande de mise en liberté dans le volet blanchiment n'a rien à voir avec l'impossibilité de réunir la caution de 500 000 euros exigée pour sa libération dans le volet fraude fiscale. Patrick et Isabelle Balkany martèlent qu'ils n'ont «plus un rond» – l'appel à la solidarité de leur fan-club local n'ayant réuni que dix fois moins. Mais les multiples interventions larmoyantes de son épouse ont peut-être agacé les juges : «Il est archi-crevé, a perdu 20 kilos, souffre du dos, passe ses journées devant la télé. Cela ne fait plus de lui un exemple [de la fraude financière longitudinale, ndlr], mais un martyr.»
«Risque de fuite»
A l'audience, le parquet s'était opposé mordicus à sa remise en liberté, en raison du «risque de fuite» – c'est la principale raison d'une incarcération dès la première instance, avant appel ou cassation : pour l'accusation, ce risque de fuite serait «possible, probable, prévisible». Au motif d'éventuels comptes résiduels à l'étranger, nonobstant la saisie de tous ses biens en France, et du précédent de son exil aux Bahamas suite à une ancienne affaire. Le justiciable avait alors rétorqué : «Bien entendu, je me tiens à la disposition de la justice en appel.» Et Eric Dupont-Moretti d'ironiser : «Il va partir tout seul en cavale à 71 ans pendant que Mme Balkany reste tranquillement à la maison ?»
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Ultime pataquès, dans une affaire qui n’en manque pas : dans le cadre de sa – désormais théorique – remise en liberté dans le volet fraude fiscale, son contrôle judiciaire l’obligeait à demeurer en son moulin de Giverny (Eure), avec interdiction de remettre les pieds à Levallois-Perret et plus généralement en région parisienne – ce qui ne l’empêcherait pas de voter pour lui-même à distance et par procuration. Ledit bien immobilier, plutôt luxueux quoique Patrick Balkany le décrive comme en décrépitude, a été confisqué par la justice pénale à titre de peine complémentaire. A Giverny comme en prison, il resterait logé par la puissance publique.