«Tout le monde dit que Saorge ressemble à un village tibétain. Moi, je dirais que c’est une commune de 450 habitants accrochée à la montagne avec une particularité : son enclave. Le plus commode pour rentrer chez nous, c’est de passer par l’Italie. J’en suis maire depuis 2014. J’ai été élue parce qu’on m’a un peu poussée. J’avais longuement hésité. Au bout de six ans, j’ai encore hésité à repartir. Mais quand j’ai commencé un truc, j’aime bien aller au bout. Il est impossible de rénover une église et de faire un parking en un coup de cuillère à pot, avec simplement de l’argent et de la détermination. A cause de tas de complications avec les services de l’Etat, on a mis six ans à mettre ces projets en place.
«Pour moi, le plus dur, c’est l’administration. Tout est compliqué. A chaque fois qu’on avance d’un côté, une complication arrive de l’autre. Par exemple, on est bloqués par un architecte des Bâtiments de France qui a décidé qu’il ne fallait pas de parking dans le village. On a du mal à lui faire comprendre que, si on veut du passage, des commerces et une école, il en faut un. J’aurais aussi aimé qu’on puisse lancer un éclairage public plus écologique, mais on ne peut pas avoir de photovoltaïque. On a des contraintes avec la loi montagne, le plan de prévention des risques (PPR), les Bâtiments de France. On ne nous facilite pas toujours la tâche. Il faut un temps infini pour faire les choses.
«Certains jours, j'ai eu envie de poser ma démission : la trésorerie va partir à Menton, notre ligne de train se dégrade, on a encore des zones blanches. Heureusement qu'il y a la convivialité dans la vallée et une entente avec les autres maires. D'ailleurs, tous se représentent. Et on ne se laisse pas faire : on a pu prendre un arrêté anti-poids lourds pour que les camions ne traversent pas la vallée. Les transports, les hôpitaux, la trésorerie, la gendarmerie ne sont pas de ma compétence. Je ne peux pas beaucoup peser là-dessus. Je ne peux qu'appuyer et poser des questions à notre député ou sénateur. On est obligés de plaisanter quand on est aux premières loges. Souvent, je dis : "J'ai les oreilles en béton ou en plomb, vous pouvez y aller." Même quand ce n'est pas de mon ressort, je suis toujours là pour des histoires de voisinage ou pour des coupures d'électricité à cause de la neige. Mais je ne devrais pas m'en plaindre : il y a une certaine convivialité à Saorge. Quand les gens se parlent, le village va bien. Et je vais bien. Ma motivation, c'est de faire des choses pour la communauté de vie.»