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Chronologie

Les quatre saisons des gilets jaunes

Toulouse, le 13 janvier 2019. Marche des femmes gilets jaunes. (Photo Ulrich Lebeuf. Myop pour Libération)
publié le 17 novembre 2019 à 8h59

Dimanche 17 novembre 2019 marque le premier anniversaire de l'acte I des gilets jaunes. Retour sur les dates marquantes d'un mouvement qui était en germe quelques mois auparavant.

Les prémices

Janvier 2018. Alors que se profile la limitation à 80 km/h sur le réseau secondaire, début de la contestation dans le sud de la France. Un appel à sortir dans la rue et bloquer les ronds-points est lancé le 27 janvier dans toute la France. Plusieurs manifestants portent le gilet jaune avec des slogans écrits dans le dos.

29 mai 2018. Priscillia Ludosky, autoentrepreneuse de Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne), lance une pétition en ligne sur Change.org. Elle est intitulée «Pour une baisse des prix du carburant à la pompe !» En octobre, elle atteint 12 000 signatures, ce qui lui vaut un début de médiatisation. Aujourd'hui, près de 1,3 million de personnes l'ont signée.

18 octobre 2018. Jacline Mouraud, accordéoniste et hypnothérapeute bretonne, publie une vidéo dans laquelle elle interpelle le président Macron pour dénoncer la hausse du prix du diesel, la multiplication des radars ou encore les projets de péages à l'entrée des grandes villes. La vidéo devient virale et la Bretonne devient une figure du mouvement.

24 octobre 2018. Ghislain Coutard, Narbonnais de 36 ans, se filme au travail, à bord de son véhicule. Il appelle les automobilistes à déposer un gilet jaune devant leur pare-brise pour montrer leur motivation à aller manifester le 17 novembre et leur soutien au mouvement. Quelques jours plus tôt, deux chauffeurs routiers originaires de Seine-et-Marne lancent l'idée d'une action le 17 novembre pour créer un «blocage national contre la hausse du carburant». L'un d'eux, Eric Drouet, devient une figure du mouvement.

Automne 2018 : de l’acte I à la crise politique

A Outreau, lors du blocage d’un rond-point, le 17 novembre 2018.

Photo Aimée Thirion pour Libération

17 novembre 2018 : Acte I. Le blocage national s'organise. Routes, autoroutes, dépôts pétroliers : les premiers blocages rassemblent officiellement près de 300 000 manifestants. Ce premier samedi de manifestation commence par un drame : une manifestante meurt à Pont-de-Beauvoisin (Isère) après avoir été percutée par une voiture dont la conductrice aurait paniqué. Pour ce premier jour, quelque 227 blessés dont sept graves sont à déplorer. Du côté de l'exécutif, on cherche une issue mais promet de «maintenir le cap» selon les mots d'Edouard Philippe. Trois jours plus tard, Christophe Castaner dénonce la «dérive totale» du mouvement et après une flambée de violence à la Réunion un couvre-feu partiel est instauré sur l'île.

24 novembre 2018 : Acte II. Le deuxième samedi de mobilisation rassemble 160 000 personnes dans toute la France dont 8 000 à Paris selon la police. Plusieurs milliers de manifestants s'opposent aux forces de l'ordre sur les Champs-Elysées. 24 blessés dont 5 du côté des forces de l'ordre. 630 personnes sont placées en garde à vue sur l'ensemble du territoire.

29-30 novembre 2018. Alors que plusieurs lycées sont bloqués à la veille de l'acte III, l'entretien entre le gouvernement et les porte-parole du mouvement tourne court. L'exécutif refuse que le dialogue soit filmé et un des gilets jaunes reçu quitte l'entrevue.

A Paris, le 1er décembre.

Photo Martin Colombet pour Libération

1er décembre 2018 : Acte III. Un samedi de guérilla. A Paris, l'Arc de triomphe et les quartiers huppés sont pris pour cible. Sur le parcours, les chantiers sont pillés et les pavés déchaussés. De violents affrontements ont lieu place de l'Etoile. A Arles, une personne meurt dans une collision avec un camion, tandis qu'à Marseille, Zineb Redouane, une octogénaire, reçoit une grenade lacrymogène en plein visage, tirée par les forces de l'ordre. Elle meurt le lendemain d'un arrêt cardiaque. Quelque 136 000 personnes sont mobilisées dans toute la France et occupent ronds-points et péages.

2-5 décembre 2018. Réunion de crise à l'Elysée qu'Emmanuel Macron convoque à son retour du G20 en Argentine. Après trois semaines de contestation grandissantes, Edouard Philippe annonce la suspension de la hausse de la fiscalité sur les carburants et du durcissement du contrôle technique automobile, ainsi qu'un gel des tarifs du gaz et de l'électricité «durant l'hiver». L'Elysée s'oppose au rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). L'opposition juge ces annonces insuffisantes et les gilets jaunes poursuivent leurs actions.

8 décembre 2018 : Acte IV. 136 000 personnes défilent à travers la France. Malgré des appels au calme, des heurts éclatent dans la capitale et partout dans l'Hexagone, des véhicules blindés de la gendarmerie sont déployés dans Paris.

10 décembre 2018. Emmanuel Macron égraine des mesures lors d'une allocution télévisée : augmentation annoncée de 100 euros pour les personnes au smic (même si cela s'est avéré plus compliqué que ça…), prime de fin d'année défiscalisée au bon vouloir des entreprises, re-défiscalisation des heures supplémentaires, suppression de la hausse de la CSG pour les retraités touchant moins de 2 000 euros de pension.

A Bordeaux, le 15 décembre 2018. Photo Thibaud Moritz pour Libération

15 décembre 2018 : Acte V. Le mouvement montre des signes d'essoufflement. Alors que les plus modérés jugent que le temps du dialogue est arrivé, les plus déterminés battent le pavé à paris, Bordeaux ou encore Lille. Avec une revendication de plus en plus présente: la création du RIC, le référendum d'initiative citoyenne. Le ministère de l'Intérieur dénombre 33 500 manifestants dans le pays.

Hiver 2018-19 : actes chauds et grand débat 

20 décembre 2018. Deux jours après l'annonce par Emmanuel Macron de la tenue d'un grand débat national, le château de Versailles est fermé en prévision du samedi de manifestation à venir. A Agen, un gilet jaune de 61 ans meurt, renversé par un poids lourd lors d'un rassemblement. C'est le neuvième décès lié à la mobilisation des gilets jaunes depuis le début du mouvement.

29 décembre 2018 : Acte VIII. Tournée des médias parisiens. Les gilets jaunes défilent devant les locaux de BFM TV et ceux de France Télévisions, au cri de «journalistes collabos». Cinq jours plus tard, le chauffeur routier Eric Drouet, figure de la contestation, est arrêté et placé en garde à vue pour «organisation d'une manifestation sans déclaration préalable».

5 janvier 2019 : Acte VIII. Mobilisation en hausse. A Paris, Christophe Dettinger, un ancien boxeur, distribue des coups aux gendarmes sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor. Il sera placé en détention provisoire le 9 janvier et condamné à un an de prison ferme, aménagé en semi-liberté et 18 mois de sursis avec mise à l'épreuve.

7 janvier 2019. Edouard Philippe est au 20 heures de TF1. En réaction aux violences, le Premier ministre annonce un projet de loi calqué sur les lois antihooligans, visant les casseurs et permettant de prononcer des interdictions de manifester.

A Bourges, le 12 janvier 2019.

Photo Cyril Zannettacci. VU pour Libération

12 janvier 2019 : Acte IX. La ville de Bourges est l'épicentre de la mobilisation. Plusieurs milliers de personnes se donnent rendez-vous au centre de la France. A Paris, 8 000 personnes manifestent dans le calme alors que les gilets jaunes mettent en place leur service d'ordre.

15 janvier 2019 : Macron inaugure son grand débat national en Normandie devant des élus. Il évoque la responsabilisation des personnes en difficulté dont certains «qui font bien» et d'autres qui «déconnent».

23 janvier 2019. Une liste gilets jaunes annonce sa candidature aux européennes de mai avec à sa tête Ingrid Levavasseur, porte-parole du mouvement social. La base du mouvement rejette cette initiative.

A Paris, le 26 janvier, Jérôme Rodrigues est touché à l’œil. Photo Martin Colombet pour Libération

26 janvier 2019 : Acte XI. La mobilisation du jour, faible en début de journée, se solde finalement par des heurts place de la Bastille. Au pied du génie, Jérôme Rodrigues, figure du mouvement et militant ouvertement pacifique est grièvement blessé à l'œil. La première «assemblée des assemblées» voit le jour à Commercy dans l'est de la France.

2 février 2019 : Acte XII.  Plus de 9 200 tirs de LBD (lanceur de balles de défense) ont été recensés par le ministère de l'Intérieur depuis le début du mouvement. Le Conseil d'Etat refuse de suspendre leur usage pour le maintien de l'ordre alors que beaucoup dénoncent une «arme mutilante».

9 février 2019 : Acte XIII. Au moins 50 000 personnes battent le pavé selon le ministère de l'Intérieur. A Paris, la manifestation non déclarée est émaillée d'incidents.

16 février 2019 : Acte XIV. La marche parisienne qui a réuni au moins 5 000 personnes est marquée par les injures antisémites dont est victime le philosophe Alain Finkielkraut.

16 mars 2019 : Acte XVIII. En parallèle de «la marche du siècle» pour le climat qui réunit environ 50 000 personnes, la manifestation des gilets jaunes est marquée par un regain de violences, avec d'importants dégâts sur les Champs Elysées. Macron écourte son week-end au ski et promet des «décisions fortes».

23 mars 2019 : Acte XX. A Nice, Geneviève Legay, septuagénaire et militante d'Attac, s'effondre après une charge des forces de l'ordre. Multiples fractures du crâne et cinq côtes cassées, la victime est transportée à l'hôpital.

Printemps 2019 : heurts épisodiques

20 avril 2019 : Acte XXIII. Place de la République, le journaliste indépendant Gaspard Glanz est arrêté pour outrage.

25 avril 2019. Clôture du grand débat. Emmanuel Macron dévoile de nombreuses mesures telles que la réindexation des retraites de moins de 2 000 euros dès le 1er janvier 2020 ou encore le prélèvement par la CAF de pensions alimentaires non versées. Le 27 avril, deux jours après les annonces du Président, la mobilisation des gilets baisse sans dégringoler : 23 600 selon l'Intérieur.

A Paris, le 1er mai 2019. Photo Boby pour Libération

1er mai 2019 : Défilé de la Fête du travail à Paris. Investi par les gilets jaunes et le black bloc, ce rendez-vous est émaillé de violences. Face au déluge de gaz lacrymogènes, des manifestants se réfugient dans l'enceinte de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Christophe Castaner qualifie les faits «d'attaque» avant de faire volte-face.

26 mai 2019. Elections européennes. Aucune des listes gilets jaunes ne dépasse 1%.

Eté 2019 : essoufflement

29 juin 2019 : Acte XXXIII. Des pancartes «Où est Steve?» sont brandies dans le défilé, une semaine après la disparition du jeune homme suite à une charge des forces de l'ordre lors de la fête de la musique. Le corps de Steve Maïa Caniço, 24 ans, sera retrouvé trente-huit jours plus tard dans la Loire.

14 juillet 2019 : Fête nationale. La mobilisation des gilets jaunes redoutée par le gouvernement ne fait pas autant de vagues que prévu. Certains manifestants hurlent «On veut du homard», en référence aux dîners fastueux du désormais ex-ministre de l'écologie, révélés par Mediapart.

A Beaumont-sur-Oise, le 20 juillet 2019.

Photo Cyril Zannettacci. VU pour Libération

20 juillet 2019 : Acte XXXVI. Trois ans et un jour après la mort d'Adama Traoré, les gilets jaunes défilent à Beaumont-sur-Oise en compagnie du collectif Adama. Dans le cortège, des proches viennent rendre hommage à ceux qu'ils jugent avoir été broyés par le système répressif : Lamine Dieng, Steve Maïa Caniço, Gaye Camara, Babacar, Matisse et Selom ou encore Curtis.

24 août 2019: Acte XLI. Le mouvement se délocalise entre Paris et Hendaye à l'occasion du G7 qui se tient dans la ville du Pays basque.

Automne 2019 : une cinquième saison ?

21 septembre 2019 : Acte XLV. C'est le jour de rentrée du mouvement. Plus de 7 500 policiers déployés contrôlent et verbalisent à tour de bras depuis les premiers rassemblements du matin. La démonstration de force paie et la manifestation peine à prendre.

A Paris, le 9 novembre. Photo Denis Allard pour Libération

9 novembre 2019 : Acte LII. Les rangs sont de plus en plus clairsemés. De nombreux militants attendent avec impatience la date anniversaire du mouvement (le 17) et la grève du 5 décembre qui s'annonce massive.

16 novembre 2018. Pour le week-end anniversaire, la manifestation parisienne est marquée par des violences.