Menu
Libération
édito

Pénibilité

publié le 19 novembre 2019 à 20h11

On connaît la réplique prêtée à Bismarck quand il instaure le premier système de retraites en Allemagne. Ses conseillers lui expliquent que les ouvriers allemands meurent en moyenne à 65 ans : «Alors nous fixerons l'âge de départ à 65 ans.» Toutes proportions gardées, le gouvernement se retrouve dans une situation comparable : il entend rapprocher l'âge de départ à la retraite de l'âge de départ pour l'au-delà. Il a une excuse, voire une justification : les Français, et encore plus les Françaises, vivent de plus en plus longtemps. Ils auront donc le même temps de retraite qu'auparavant. Problème, mis en lumière par les études que nous citons : il en va différemment de l'espérance de vie «en bonne santé». Elle stagne et parfois régresse.

Dans ces conditions, tout recul de l'âge de départ réduit aussi le temps pendant lequel on peut profiter pleinement de sa retraite. Un argument que les syndicats brandiront à loisir (et à juste titre). D'autant que ces moyennes cachent d'autres disparités, encore plus choquantes. Selon les professions, ces données varient considérablement. Pour faire court, les pauvres vivent nettement moins longtemps que les riches, les ouvriers moins que les cadres ou les enseignants. Si bien qu'une règle unique - philosophie du système «à points» proposé par le gouvernement - s'appliquerait à des situations disparates. L'uniformité semble plus équitable. En fait, elle recèle une grande part d'injustice. Il n'est qu'une solution pour sortir de l'imbroglio : ouvrir ou étendre la négociation sur la «pénibilité» des tâches, manifestement particulière à chaque profession, et même à chaque tâche à l'intérieur d'une même profession. A métier dur, retraite plus précoce. Le Medef ne veut pas en entendre parler, fustigeant «l'usine à gaz» de la pénibilité. Certes. Mais est-ce bien le Medef qui doit décider de la réforme ?