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Justice

Affaire Estelle Mouzin : Monique Olivier fait tomber l’alibi de Fourniret

Devant la juge d’instruction chargée de l’enquête sur la disparition d’Estelle Mouzin en 2003, l’ex-épouse de Michel Fourniret a contredit, ce jeudi, l’alibi fourni par le tueur en série.
Monique Olivier, l'ex-épouse de Michel Fourniret, en mars 2008. (Photo Denis Charlet. AFP)
publié le 21 novembre 2019 à 21h11

Pendant trois heures, jeudi après-midi, Monique Olivier, 71 ans, a fait face à la juge d'instruction parisienne Sabine Khéris. Pendant trois heures, elle a répondu à ses questions concernant l'une des disparitions les plus énigmatiques des annales criminelles françaises : celle de la petite Estelle Mouzin, volatilisée le 9 janvier 2003 alors qu'elle revenait de l'école à Guermantes (Seine-et-Marne). Au cours de cet interrogatoire, l'ex-épouse de Michel Fourniret a livré une information cruciale en démentant l'alibi du tueur en série. Contacté par Libération, son avocat MRichard Delgenes, qui était à ses côtés, résume la scène : «Elle a raconté qu'en 2003, ce n'est pas Michel Fourniret, mais elle, qui a passé un appel à son fils. C'était une instruction qu'il lui avait donnée le matin avant de partir.»

Selon les déclarations de Monique Olivier, le fameux soir de ce contact téléphonique (attesté par les relevés, mais qui a abouti sur la messagerie du destinataire, Jean-Christophe), elle était donc seule dans leur maison de Sart-Custinne, en Belgique, située à 250 kilomètres de Guermantes.

Portrait-robot

Pour autant, elle n'a pas su préciser où se trouvait son époux. Quand ils ont appris la nouvelle, les avocats Corinne Hermann et Didier Seban, qui ferraillent depuis des années dans ce dossier aux côtés des parents d'Estelle Mouzin, n'ont pas caché leur satisfaction : «Non seulement l'alibi tombe, mais cela va encore plus loin, car si Michel Fourniret a demandé [à sa femme] de lui en fournir un, cela signifie qu'il était "en chasse" à ce moment-là. La piste était déjà ouverte, cela nous conforte en ce sens.» Ils rappellent les indices : un portrait-robot établi sur la base des déclarations d'une fillette abordée à la même période par un homme ressemblant à Michel Fourniret, une image d'Estelle retrouvée dans l'ordinateur du tueur en série, et puis cette lettre de 2007, qu'il a écrite au président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims pour «solliciter la jonction des affaires Domèce, Mouzin et Parrish», affirmant avoir «des explications» à fournir aux familles.

Jusqu'à présent, «l'ogre des Ardennes», 77 ans - déjà condamné à la perpétuité pour huit meurtres et actuellement mis en cause pour ceux de Marie-Angèle Domèce en 1988 et Johanna Parrish en 1990 -, a toujours nié son implication dans la disparition d'Estelle Mouzin. Il a indiqué qu'il était chez lui ce soir-là, avec pour preuve cet appel à son fils pour lui souhaiter son anniversaire. L'hypothèse de sa participation a été plusieurs fois envisagée, avant d'être écartée notamment en 2007 par la police. Et à nouveau en octobre 2013 après l'analyse de quelque 4 000 poils et cheveux prélevés dans sa voiture, qui n'ont pas permis de faire de lien avec la fillette de 9 ans dont le corps n'a jamais été retrouvé. Constant dans ses dénégations, Michel Fourniret avait encore affirmé en 2017 devant les enquêteurs qu'il n'avait «rien à voir avec l'affaire» Mouzin.

Inflexion

C'est le 5 février dernier, dans le cabinet de la juge Khéris, lors d'une audition consacrée aux affaires Parrish et Domèce, que Monique Olivier est venue rouvrir la vieille piste… Selon les informations de 20 Minutes, elle avait alors indiqué qu'elle voulait «évoquer le dossier Mouzin […] compte tenu du temps qui passe et pour aider les familles des victimes». Au mois de mars, Michel Fourniret avait à son tour lâché qu'il ne se souvenait plus «dans quelles circonstances» il avait «croisé» Estelle Mouzin et Joanna Parrish, se demandant s'il n'avait pas «le cul merdeux». Soit une sérieuse inflexion dans son discours.

Pour que les procédures puissent être centralisées dans les mains d'un seul magistrat, la Cour de cassation avait accepté en juillet de dépayser l'enquête Mouzin du tribunal de Meaux à celui de Paris. «C'est la relation de confiance avec la juge qui a convaincu Monique Olivier de parler dans les dossiers Parrish et Domèce. Et maintenant dans l'affaire Mouzin, explique son avocat, Me Delgenes. Je pense que sa longue incarcération l'a aussi fait réfléchir.» Selon lui, sa cliente, qui purge une peine de réclusion criminelle à perpétuité pour complicité à la prison de Rennes, «veut qu'on la croit quand elle dit qu'elle ne savait pas l'importance de cet appel téléphonique à l'époque, qu'elle l'a appris des années plus tard». Monique Olivier est ressortie du cabinet de la juge d'instruction avec le statut de témoin assisté. Michel Fourniret devrait s'asseoir à sa place dans peu de temps. Reste à savoir si son audition sera aussi déterminante.