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Libération

Des familles sous le toit des écoles

par Maïté Darnault, correspondante à Lyon
publié le 21 novembre 2019 à 20h36

Pour échapper à la rue, ils ont trouvé refuge à l'école. Depuis la rentrée de la Toussaint, le groupe scolaire Michel-Servet (Ier arrondissement de Lyon) héberge la nuit 17 enfants, âgés de 2 à 12 ans, et neuf parents. C'est l'une des cinq écoles occupées à ce jour par le collectif Jamais sans toit : des parents d'élèves, des enseignants, des habitants qui se mobilisent chaque année pour mettre à l'abri les familles en difficulté en attendant les hypothétiques places en hébergement ouvertes dans le cadre du plan froid. Au total, 30 enfants seraient hébergés dans ces établissements. «Aujourd'hui, les administrations trient et dissèquent les critères de vulnérabilité des familles pour ne pas les prendre en charge», dénonce le collectif, à l'origine d'un rassemblement de plusieurs centaines de personnes mercredi soir devant l'hôtel de ville de Lyon. En 2018, Jamais sans toit a pu faire dormir au chaud une centaine d'enfants pendant plusieurs semaines avant leur prise en charge, qui s'est soldée pour certains par un retour à la rue aux beaux jours. «Le grand changement cette année, c'est que même les demandeurs d'asile se retrouvent dehors, une marche de plus a été franchie», déplore Pauline Manière, mère d'élève à Michel-Servet. Raphaël Vulliez, enseignant de l'école, pointe un «manque de volonté politique» : «Il y a 24 000 logements vides, pour certains chauffés et surveillés, dans la métropole mais on en est encore à ce faux concept de l'appel d'air, de dire que si on loge tout de suite les gens, ça va en attirer d'autres.» Pour lui, payer sporadiquement des nuits d'hôtel ne règle rien : «C'est brutal pour les familles, ça coûte cher à la collectivité et ça condamne à être chaque année dans ce schéma d'urgence plutôt que de pérennisation.»

En parallèle de la collecte de nourriture, de couettes, de vêtements chauds, Jamais sans toit organise des «goûters solidaires» pour constituer une cagnotte. Elle sert à faire des courses pour les dîners et les petits déjeuners des familles, parfois à leur payer l'hôtel le week-end. La mairie du Ier arrondissement s'est également engagée à en financer certains. L'objectif : «Tenir sur la durée», explique Céline Hernu, mère présente ce mercredi.

Il est 19 heures, Naslati vient d'arriver dans le hall de l'école avec ses 4 enfants, âgés de 3 à 12 ans. Les trois plus jeunes sont nés à Mayotte, sur le territoire français donc, tandis que leur mère et son aîné sont comoriens. Naslati, 31 ans, a atterri en métropole en février pour «trouver une vie meilleure», voir «grandir ses petits sans bêtises». Elle a été hébergée chez des amis, avant d'obtenir un récépissé de carte de séjour l'autorisant à travailler. Mais depuis un mois, elle est à court de logement : le dortoir de fortune de Michel-Servet est sa bouée.