Il est professeur d'anglais, directement importé du sud-est de l'Angleterre. Depuis sept ans, Paul James Kirrage, 46 ans, enseigne dans un collège REP + de la banlieue lyonnaise. «Quand j'emmène mes élèves en dehors du quartier, tu vois les gens dans le métro tâter leur poche pour vérifier qu'ils ont bien leur portable ou leur portefeuille. Mes élèves sont tout de suite vus comme des racailles.» Alors depuis trois ans, pour changer les perspectives, et leur montrer qu'un autre destin est possible, il a monté un projet ambitieux : un voyage d'échange avec des lycéens indiens.
D'abord, les élèves de New Delhi ont débarqué dans la banlieue lyonnaise. Les familles de ses élèves, défavorisées pour la grande majorité, se sont pliées en quatre pour les recevoir. «Elles les ont emmenés visiter des espaces culturels où elles n'étaient jamais allées.» Et puis, les rôles ont été inversés : douze Lyonnais se sont envolés pour l'Inde. «Ce sont nos ambassadeurs, sélectionnés sur la motivation comme seul critère. Ce ne sont pas forcément les plus scolaires qui partent.» Evidemment, le gros du boulot est de trouver des financements : le mécénat des entreprises surtout, et l'enveloppe de fonds sociaux, dont disposent tous les collèges et lycées. «On arrive à baisser le prix à 270 euros pour les familles, voire moins, payable en trois fois.» A New Delhi, les ados ont été hébergés dans des familles aisées, et reçus au palais présidentiel. «Le regard s'inverse, là-bas, ils sont accueillis avec tous les honneurs.» La semaine d'après, direction l'Himalaya dans un petit village perdu à 3 000 mètres d'altitude pour voir encore autre chose. «On leur fabrique des souvenirs et un autre champ des possibles.» Paul James Kirrage remet ça l'an prochain.