Selon Valérie Chansigaud, historienne de l'environnement et auteure des Combats pour la nature : de la protection de la nature au progrès social (éd. Buchet Chastel), l'écologie implique une remise en question radicale de notre système social dont la gauche peut se saisir.
A lire aussi Social et écologie : une gauche en commun ?
Depuis quand les questions environnementale et sociale sont-elles liées ?
La référence à la nature qu'il faut respecter, avec ses limites, est omniprésente dans la pensée occidentale depuis plus de deux siècles. Par contre, l'idée d'un projet qui permet de concilier ça avec un minimum de décence sociale apparaît à partir de la seconde partie du XIXe siècle. Les anarchistes en particulier sont à l'avant-garde de cette réflexion : ils pensent en matière d'ancrage des peuples dans leur territoire. Ils ne rejettent pas le progrès technique mais y associent toujours une critique, expliquent que ça peut être destructeur pour la nature et le modèle social. A la fin du XIXe, quelqu'un comme Henry George, un socialiste américain, a par exemple réfléchi de façon très pragmatique à comment concilier progrès et justice sociale, comment éviter que les appétits égoïstes ne détruisent les ressources naturelles. Ce sont des gens qui perçoivent l'épuisement des ressources et l'essor des inégalités sociales malgré les progrès industriels et économiques.
Et plus récemment ?
A partir des années 60, quand les mouvements écologistes se structurent, c’est assez clair aussi. Des gens comme René Dumont lient clairement l’environnement et les questions de développement, de pauvreté.
Qu’est-ce que l’écologie populaire ?
C’est une bonne question ! Le terme est assez nouveau. Cela part d’un constat : l’écologie est plutôt l’apanage des classes privilégiées. Il y a quelque chose de relativement élitiste dans notre vision d’un monde responsable d’un point de vue environnemental. Quand on a des revenus importants, on peut faire beaucoup plus de choix pour ce qui est de l’alimentation, des transports… Pourtant, ce sont les classes populaires qui sont le plus exposées aux polluants par exemple. La question de la pollution est intimement liée à la position sociale. Etre maltraité socialement c’est aussi être maltraité d’un point de vue environnemental. Une écologie dite populaire vient donc résoudre les problèmes de gens qui se trouvent en bas de la pyramide sociale. L’idée, c’est de faire un programme écologiste qui tient compte des besoins des classes les moins fortunés.
La gauche peut-elle porter cette ambition ?
Les gauches ont un problème pour mobiliser les électeurs. Toute la question, c’est d’arriver à trouver une nouvelle dynamique. Qui pourrait être l’écologie. Il y a une dimension de classes dans toutes les crises environnementales, donc c’est une question pertinente.
L’inquiétude des classes populaires au sujet de l’environnement peut-elle se transformer en mobilisation comme certains l’imaginent à gauche ?
Repenser une idéologie politique autour de ça : oui. Déconstruire l’idée selon laquelle l’écologie est tellement importante qu’elle n’est ni de droite ni de gauche : oui. Assumer que l’écologie doit se penser comme une remise en cause radicale du système social et politique : oui. Mais convaincre les électeurs d’adhérer, c’est autre chose.