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Libération

Vraie nature

publié le 24 novembre 2019 à 20h46

On dit souvent du mal des médias, en partie à juste titre. Mais que dire de l’absence de médias ? Pendant plusieurs jours, le régime iranien a coupé Internet et empêché, de facto, tout travail journalistique indépendant. Profitant de ce black-out minutieusement organisé, ses polices et ses milices ont mis fin avec une extrême brutalité à un mouvement populaire qui menaçait l’ordre des mollahs, sans que l’opinion mondiale en soit informée, sans que des images aient pu émouvoir des observateurs qui n’auraient pas manqué, sinon, de réagir rapidement pour tenter de limiter le massacre. Au moins 115 morts selon Amnesty International, des cortèges dispersés à balles réelles, des milliers d’arrestations qui se traduiront par de longues périodes d’emprisonnement, une société soumise à une surveillance orwellienne. Paradoxalement, agissant à l’abri des regards, cette féroce répression a montré au grand jour la vraie nature d’une dictature islamique obscurantiste et impitoyable.

Ce massacre à huis clos pose une seconde question : quelle est, dans ce bain de sang, la responsabilité américaine ? Nulle sur le terrain, évidemment. Contrairement à ce que disent les autorités de Téhéran, les révoltes contre le régime qui se multiplient en Iran et dans les zones contrôlées par des forces pro-iraniennes découlent avant tout de l’exaspération de populations lassées de l’arbitraire et de la corruption. Mais on connaît aussi l’enchaînement des événements : l’embargo décrété par Donald Trump ruine l’économie iranienne et pousse les Iraniens à la révolte ; son retrait de l’accord nucléaire favorise la fraction dure du régime. Cette politique n’aurait de sens que si elle débouchait sur la chute des maîtres de Téhéran. C’est le contraire qui se produit. On veut se débarrasser d’une dictature. On la renforce. En attendant, ce sont les citoyens iraniens qui meurent.