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Récit

Bruno Le Maire tente de remettre Ascoval sur les rails avec la SNCF

Le ministre de l'Economie a rencontré ce lundi les ouvriers d'Ascoval, qui a frôlé la fermeture cette année. Il n'est pas venu les mains vides : leur acierie va fournir la matière première pour des rails fabriqués chez British Steel à Hayange.
Dans l'usine Ascoval, à Saint-Saulve, le 11 décembre 2018. (Photo Aimée Thirion pour Libération)
par Stéphanie Maurice, correspondante à Lille
publié le 25 novembre 2019 à 19h47

«Vous êtes le symbole du nouveau modèle industriel qu'on veut bâtir, où on rapatrie les usines» : Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, n'y est pas allé avec le dos de la cuillère ce lundi, devant les ouvriers d'Ascoval, à Saint-Saulve, près de Valenciennes. Menacée de fermeture après le désengagement de son actionnaire Vallourec et à la défaillance d'un premier repreneur (Ascometal), l'acierie nordiste a finalement été sauvée cet été par le groupe British Steel. Assurant le service après-vente quelques mois plus tard, Bruno Le Maire est venu annoncer aux salariés d'Ascoval la signature d'un accord entre leur entreprise, toujours à la peine, l'usine Bristish Steel France d'Hayange, en Lorraine, et la SNCF. Ascoval fournira la matière première des rails fabriqués à Hayange jusqu'en 2024. Soit 140 000 tonnes d'acier par an, garantis. «Cela double notre carnet de commande», se réjouit Sébastien Cattelain, responsable du plan de compétitivité chez Ascoval.

Cette nouvelle filière industrielle franco-française va permettre de casser le mécanisme délocalisations, pertes d'emploi, et marchandises importées moins vertueuses écologiquement, selon le ministre. «On y perd sur tous les plans», répète-t-il. Il veut négocier avec l'UE de nouvelles règles aux frontières : «Quand l'acier produit ailleurs revient en Europe, il faut qu'il soit taxé à hauteur du CO2 qu'il a émis lors de sa fabrication.» Sinon, impossible de rester concurrentiel pour l'acier européen. C'est une attaque contre la surproduction chinoise, et il choisit pour la mener Ascoval, une aciérie électrique, qui produit neuf moins de CO2 qu'un haut-fourneau classique. C'est d'ailleurs son intérêt stratégique : «On ne sait pas ce qui va se passer avec le Brexit, et la SNCF nous a demandé de trouver une source d'acier alternative française», note Gérard Glas, président de British Steel France. «Ce contrat n'est pas un cadeau pour Ascoval, il est dans notre intérêt.» Il devrait être opérationnel à la fin 2020, Ascoval devant d'abord investir 15 millions d'euros pour adapter sa coulée continue aux besoins de Hayange, et produire des barres d'acier rectangulaires.

Les Chinois en embuscade

Le tableau est cependant incertain : Olympus, la holding repreneur d'Ascoval et propriétaire de British Steel, a placé le groupe anglais en liquidation judiciaire. Ce qui veut dire que l'usine d'Hayange va bientôt changer de propriétaire. Un grand groupe, chinois justement, Jingye, est sur les rangs. Gardera-t-il le contrat avec Ascoval ? Bruno Le Maire le garantit : «Dans le paquet [de la reprise d'Hayange, ndlr], il y a le contrat avec la SNCF et Ascoval, et les 140 000 tonnes sont sécurisées.» L'Etat garde le droit d'autoriser ou pas les investissements étrangers dans les secteurs sensibles. La production de rail en fait partie. Bruno Le Maire insiste : «Il faut que la souveraineté de la France soit respectée.»

La nouvelle du contrat SNCF a été accueillie par une satisfaction prudente des salariés, dans un marché mondial de l'acier difficile, comme l'a rappelé Bruno Kopczynski, délégué CFDT, lors du comité de suivi. L'usine n'a pu être reprise par Olympus que grâce au soutien des pouvoirs publics, qui ont mobilisé 47 millions d'euros au total. Elle a produit 208 000 tonnes en 2018, et seulement 66 000 cette année, avec les tribulations qu'elle a connue. Olivier Decool, responsable de production, note : «Avec ce contrat, l'avenir est un peu plus clair.»