Frédéric Poitou, chimiste et expert judiciaire européen, travaille depuis deux mois sur les conséquences de la catastrophe industrielle de l'usine Lubrizol, à Rouen. Sollicité par l'avocate Corinne Lepage, qui défend l'association Respire, il se charge d'éplucher les milliers de documents d'analyses et de prélèvements et tente de fournir des éléments à l'ancienne ministre de l'Environnement.
Quelles leçons tirez-vous de la manière dont ont été réalisées les mesures de la pollution liée à l’incendie ?
Plusieurs milliers d'analyses ont été faites, via la Dreal et l'Ineris (1), par des laboratoires tout à fait sérieux. Je n'ai aucun doute là-dessus. En revanche, pour les constituants les plus toxiques, à savoir les Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et les dioxines, les résultats qui ont été communiqués sont, à mon sens, inexploitables. Les HAP sont des produits volatils qui se dispersent, se dégradent et disparaissent de l'atmosphère très rapidement, mais les mesures n'ont été réalisées que plus de quarante-huit heures après la catastrophe, ce qui me semble vraiment trop tardif. D'ailleurs, on retrouve dans les analyses de l'Etat très peu d'HAP. C'est juste impossible. Quand on fait une analyse d'un feu de forêt, on voit énormément d'HAP, même si ça se disperse assez vite. Dans cette affaire, on a un incendie qui en a concentré beaucoup plus et on détecte