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Libération
Éditorial

Stratège

publié le 29 novembre 2019 à 20h51

Les chefs d’Etat ou de gouvernement de ces deux derniers siècles s’y sont quasiment tous essayé, ils ne sont jamais parvenus à réformer la très puissante préfecture de police de Paris. Réformer est un euphémisme : tous ou presque ont eu l’ambition, en arrivant au pouvoir, de réduire l’influence de cette institution devenue au fil des décennies un véritable Etat dans l’Etat, et donc susceptible de tenir tête à un ministre, voire de prendre l’ascendant sur lui. L’ironie de l’histoire, c’est que cette préfecture de police a précisément été créée par Bonaparte pour casser la toute-puissance du ministre de la Police Joseph Fouché. Le contre-pouvoir est donc devenu pouvoir, grand classique. Emmanuel Macron n’a pas échappé à la règle. Quand il nomme Didier Lallement à la tête de la PP en mars 2019, en pleine crise des gilets jaunes, c’est avec la mission de réformer la maison. Par exemple rapprocher sa Division du renseignement (la DRPP) de la Direction générale de la sécurité intérieure qui fait peu ou prou le même job au plan national ; ou laisser filer le célèbre 36 quai des Orfèvres (la police judiciaire parisienne) dans le giron de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), ce qui aurait une logique. Quelques mois plus tard, force est de constater que Lallement résiste. Réputé pour sa dureté et ses qualités de stratège politique, l’homme a très vite compris qu’il n’avait rien à gagner à affaiblir son fief. Et surtout pris la mesure de la fragilité du ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, et de la difficulté qu’éprouve souvent le chef de l’Etat à trancher. Les jeux ne sont pas faits mais le dossier est sur la table, un livre blanc de la sécurité intérieure est d’ailleurs en préparation. Et il y a fort à parier que ce mois de décembre, avec son cortège de manifestations et de mouvements sociaux, va d’une façon ou d’une autre peser sur le bras de fer.