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Libération
Interview

Thierry Pech «L’exécutif s’est engagé à ne pas picorer»

Pour Thierry Pech, du comité de gouvernance de la convention, les députés seront «dans leurs pleins droits pour débattre et décider» après la fin des travaux.
A l’Assemblée, en janvier 2018. (Photo Albert Facelly)
publié le 29 novembre 2019 à 19h11

Directeur du think tank Terra Nova, Thierry Pech est coprésident du comité de gouvernance de la convention citoyenne pour le climat.

Le Parlement et la convention sont-ils en concurrence ?

La convention citoyenne n'a aucunement cette prétention. Celle-ci ne se substitue pas au pouvoir législatif et rien n'a été modifié dans le tissu institutionnel. Sur les sujets qui divisent la société - et c'est le cas, non pas sur le changement climatique, mais sur les moyens d'y répondre -, il est important de consulter des citoyens qui ressemblent à cette société. En délibérant ensemble, ils peuvent identifier les chemins d'accord vers des réformes structurantes. Si les travaux sont transmis - «sans filtre» selon le mot d'Emmanuel Macron - au peuple, par référendum, ou au Parlement, ceux-ci seront dans leurs pleins droits pour en débattre et décider.

Quelle forme prendra la copie finale ?

L’intention est de produire un document qui, d’abord, fera état des débats, présentera les valeurs de la convention et sa vision de l’avenir. Et d’autre part, ce texte détaillera les mesures retenues dans les domaines explorés (logement, transports, agriculture, etc.). Sur la forme précise, je ne peux rien garantir mais il s’agira de s’approcher au maximum de propositions législatives ou réglementaires susceptibles d’être transmises telles quelles.

L’exécutif devra-t-il reprendre à son compte l’intégralité ou pourra-t-il sélectionner ?

Le président de la République, et le Premier ministre quand il est venu devant la convention le 4 octobre, ont passé une commande et pris un engagement. Celui, non pas de picorer, mais de transmettre les conclusions, sans les modifier, aux instances démocratiques compétentes, qu'il s'agisse du Parlement ou du peuple français. Si l'on reste dans le cadre de notre lettre de mission [trouver des mesures pour réduire «d'au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990, dans un esprit de justice sociale», ndlr], je n'ai pas de raison de penser que la promesse ne sera pas tenue. Nous allons proposer à la convention de voter sur chaque mesure puis sur le paquet global. Si telle mesure a recueilli 70 % d'adhésion, le Parlement connaîtra cette information. Juridiquement, il pourra l'amender ou voter contre. Mais politiquement, il lui sera sans doute plus difficile d'amender ou de rejeter une mesure vigoureusement approuvée qu'une mesure ayant recueilli un soutien plus mitigé.

Des élus de la majorité craignent des conclusions qu’ils ne pourraient pas assumer. D’autres, à l’inverse, ont suspecté une instrumentalisation de la part du pouvoir…

Les citoyens n’en sont qu’à la formulation de projets. C’est très prématuré de prédire si la copie sera radicale ou plus tempérée. Chacun doit faire preuve de patience. Je ne crois absolument pas à une manipulation d’un côté ou de l’autre. J’invite ceux qui en doutent à venir assister aux séances publiques. Ils seront rassurés : les citoyens ont conscience de leur marge d’action et manifestent leur autonomie. Ils mettent eux-mêmes le comité de gouvernance en situation, non pas de conduire la convention, mais de l’accompagner.

Certains d’entre eux se demandent s’ils auront assez de temps d’ici fin janvier pour finir leurs travaux. Les six week-ends suffiront-ils ?

S’ils ont cette peur, c’est parce qu’ils veulent aller au fond des questions et être sûrs de leur jugement. C’est une très bonne chose. Nous ferons un point à la prochaine session (les 6, 7 et 8 décembre) pour voir s’il leur semble nécessaire de modifier le calendrier. Ce sera d’abord à eux de se prononcer.