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Portrait

Julien Bayou, le nouvel âge écolo

Issu de la gauche mouvementiste du parti, le bientôt quadragénaire a été élu samedi soir secrétaire national de EE-LV, au moment où le parti cherche à se dépasser.
Eva Sas, Sandra Regol et Julien Bayou lors du congrès Europe Ecologie-les Verts, à Saint-Denis, samedi. (Photo Cyril Zannettacci pour Libération)
publié le 1er décembre 2019 à 20h31

Il dépose son costume de porte-parole. Julien Bayou enfile la couronne verte. Samedi, à la bourse du travail de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), son parti s’est levé pour l’applaudir. Après des discussions houleuses, des tensions et la crainte de replonger dans les bastons internes, la raison a raflé la mise. Le sacre est à la hauteur des ambitions des écolos : 92,6 % pour le texte porté par le conseiller régional d’Ile-de-France. Ses deux meilleurs ennemis, l’ancienne députée Eva Sas et le secrétaire national adjoint Alain Coulombel se sont rangés derrière lui et deviennent les nouveaux porte-parole d’Europe-Ecologie-les Verts (EE-LV). Des sourires à foison. Mais le plus dur commence.

Sujets régaliens. Les mots ont un sens. Le contexte aussi. Février 2016 : David Cormand devient chef des Verts et la peur d'être le dernier lui file une boule au ventre. La crise frappe les écolos incapables de s'organiser. Trois ans plus tard, la crise paraît lointaine, le parti respire et Julien Bayou espère être le dernier secrétaire national. Il le sait : EE-LV doit se dépasser pour écrire la nouvelle histoire de l'écologie politique. Reste à trouver des copains pour former une famille plus grande. Les Verts tendent la main à tout ce qui bouge : les déçus de Macron, les perdus de la gauche, la jeunesse et les nouveaux écologistes. Le temps presse. La transformation devra se faire dans les prochains mois. Les Verts ne se cachent plus et préviennent : un candidat écologiste jouera le match de la présidentielle. Yannick Jadot se voit déjà en haut de l'affiche. Il s'organise, rencontre différents leaders et promet de s'éloigner de ses bases pour évoquer les sujets régaliens. Le député européen rêve de cocher toutes les cases. Son profil fait causer. Certains doutent. D'autres l'observent avec un petit sourire en coin : la route est «encore longue et le casting incertain», disent-ils. Une manière de ne pas avancer avec des œillères afin d'observer le paysage alentour. La crise est passée, mais les structures de la maison verte restent fragiles.

Un dirigeant confie : «On souhaite construire quelque chose qui nous dépasse, donc forcément, on ne va pas dire à ceux qui souhaitent nous rejoindre qu'on a déjà notre plan et notre candidat à la présidentielle. Les choses doivent se construire par étapes.» Les municipales sont dans le viseur. Les écolos espèrent réaliser des «gros» scores sur tout le territoire afin de confirmer le carton des européennes et tendre la main aux potentiels alliés dans les meilleures conditions. Comprendre : être en position de force pour que la gauche se range derrière l'écologie. Yannick Jadot refuse d'employer le mot «hégémonie». Il préfère dire : «Aujourd'hui, personne ne peut s'affranchir des questions écolos. Et moi, j'invite tous ceux qui partagent nos valeurs à nous rejoindre.» Résultat : Julien Bayou enfile la couronne à un moment charnière. «Historique», soufflent ses copains.

Le secrétaire national va devoir mettre la machine en «dynamique», ouvrir les portes en grand et apprendre à travailler avec Yannick Jadot. Le député européen n'était pas très emballé par le profil du porte-parole sortant, issu de la gauche mouvementiste du parti. Il a secrètement misé sur l'ancienne députée Eva Sas. Raté. Samedi, lors de son premier discours à la tribune, Julien Bayou a tendu la main : «On a besoin de tout le monde pour mener la révolution de velours dont la planète a besoin. Nous n'avons plus le temps d'être médiocres.» Le nouveau chef, touché par l'émotion, a étalé un de ses rêves : la fin des querelles en interne. Il a même employé le mot «amour».

Le secrétaire national sortant, David Cormand, est resté discret à Saint-Denis. Une prise de parole pour dire «merci» sous les applaudissements et des clopes dans le froid. Le Normand est tout content de voir son ancien porte-parole lui succéder. «Il a les épaules, répète-t-il en prenant pour exemple le congrès. Il y a eu de la tension, du bluff et des discussions tendues mais il n'a jamais paniqué ou perdu son calme.»

Pétard. Des mots doux en cascades. Samedi après-midi, il suffisait de prononcer le nom du nouveau chef. Yannick Jadot a imité les membres de sa famille : «Il a fait du chemin et il a progressé, aujourd'hui, il a le cuir plus épais.» Julien Bayou a également reçu de nombreux messages «gentils» en provenance de ses connaissances et potes à gauche. Le destin en politique est toujours incertain. Le Parisien de naissance, qui soufflera sa quarantième bougie en juin, a connu plusieurs ambiances. Des débuts mouvementés avec Génération précaires et Jeudi noir, ONG pour le droit au logement. Un poste au conseil régional d'Ile-de-France. Bayou a également connu la défaite aux législatives et lors de la primaire interne désignant le candidat à Paris. Pas toujours simple à «digérer», admet-il. Aujourd'hui, il savoure son premier «grand» succès. Une «belle responsabilité». Ces dernières semaines, il a fait un effort. Les cheveux sont moins en pétard et les vêtements plus prêts du corps - sa copine est derrière le nouveau look selon les rumeurs. Une façon de ne plus être perçu comme le «jeune» Julien Bayou.