«La droite est de retour» : personne chez Les Républicains ne se risque encore à reprendre un tel mot d'ordre. Les faits avaient vite démenti cet imprudent slogan, lancé par Laurent Wauquiez après son élection à la tête du parti en 2017. Pas de «redressement», encore moins de «renaissance» - Wauquiez, toujours - pour un parti tombé, depuis, à ses plus bas niveaux historiques. Mais cette droite a «des idées», veulent aujourd'hui convaincre, plus humblement, ses nouveaux dirigeants. Elle promet de les faire connaître d'ici l'été 2020 : samedi, devant le conseil national de LR, le nouveau président du parti, Christian Jacob, a confirmé l'ouverture en janvier d'un vaste chantier programmatique censé déboucher, six mois plus tard, sur un grand «congrès des idées».
«Les masques sont en train de tomber pour le président de la République», a jugé Jacob, à quelques jours du début du mouvement contre la réforme des retraites portée par l'exécutif. Mais, a-t-il prévenu, «ce n'est pas seulement sur les faiblesses de l'adversaire qu'on gagnera. L'enjeu n'est pas d'être les meilleurs opposants. On ne redeviendra audibles et crédibles qu'avec un vrai projet d'alternance».
«Le sang et les larmes»
Une petite moitié des 700 membres du conseil national avaient répondu présent à la convocation de ce parlement de LR. Leurs interventions ont parfois reflété les doutes ou les clivages d'un mouvement soumis à la double pression, électorale et idéologique, du macronisme et du Rassemblement national. Deux délégués ont ainsi contesté la procédure d'exclusion récemment ouverte contre le jeune militant Erik Tegnér, partisan d'une «union des droites» entre LR, le RN et Marion Maréchal. Une autre s'est inquiétée de voir «beaucoup de nos élus rejoindre En marche. On nous dit qu'eux et nous, c'est la même chose. Il faut trouver un marqueur qui nous fasse reconnaître» parmi les autres offres politiques. Aux municipales, «peut-on investir un candidat qui aurait signé la charte d'En marche ?» s'est interrogée une troisième.
François Baroin, samedi au conseil national de LR.
Photo Denis Allard pour Libération
«S'agissant de M. Tegnér, on n'est pas obligé de garder ceux qui nous tapent sur la tête toute la journée, a rétorqué le secrétaire général du parti, Aurélien Pradié. Notre voie, on va la tracer nous-mêmes, nous ne sommes ni l'arrière-boutique de la macronie ni celle de Mme Maréchal.» Il existe entre ces deux blocs un «chemin» pour la droite, a plaidé l'élu du Lot. A condition pour LR de rompre avec le rétrécissement idéologique de la campagne Fillon, puis de la présidence Wauquiez. «On a péché par arrogance intellectuelle en considérant qu'il y a des sujets qui étaient politiques et d'autres qui ne l'étaient pas, confiait-il quelques jours plus tôt. La droite, ça n'a pas toujours été Fillon, le sang et les larmes.»
Un avis partagé, samedi, par le vice-président délégué de LR, Guillaume Peltier. «Nous avons participé à une défaite de la pensée. La droite doit parler de tous les sujets», a-t-il jugé devant le Conseil national. Rien d'une évidence pour des LR dont, encore récemment, les répliques au chef de l'Etat consistent surtout à dénoncer sa supposée «faiblesse» régalienne et son «laxisme» budgétaire. Il faut «redéfinir notre carte d'identité» en abordant «tous les sujets de la vie quotidienne qu'on a eu tendance à mettre de côté», a poursuivi le député du Loir-et-Cher.
Incarnation
Pour ce faire, LR présentera en janvier un contre-projet de réforme des retraites, fondé sur un report de l'âge légal de départ avec prise en compte de la pénibilité des carrières et, peut-être, indexation des pensions sur le taux de croissance. Le parti planchera surtout, entre janvier et juillet, sur six «grandes causes» : handicap, République, alimentation, salaires, progrès, jeunesse. «Il y a quelque temps, on aurait choisi immigration, immigration, immigration», fait valoir Pradié. En parallèle, une douzaine de «forums thématiques» aborderont de plus larges sujets, de l'autorité de l'Etat aux fractures territoriales en passant par la place des seniors. Un «grand congrès des idées» conclura ce processus «dans la première quinzaine de juillet», a annoncé Jacob, et accouchera du nouveau corpus LR.
L'échéance doit être l'occasion, assurent les dirigeants LR, de faire valoir la «fibre sociale» du mouvement - moyen de se distinguer du macronisme comme de l'héritage Fillon. Cet aspect ne sera peut-être pas le plus consensuel, dans un parti où cohabitent encore francs libéraux et profils plus interventionnistes. Le chantier ne tranchera pas non plus la question de l'incarnation de ce projet, par lequel ne se sentiront peut-être pas tenus deux présidentiables de droite ayant rompu avec LR : la présidente d'Ile-de-France, Valérie Pécresse, et celui des Hauts-de-France, Xavier Bertrand.