Elles se frottent les mains. Les gauches se préparent pour le combat sur un air de revanche. Logique : elles avancent dans la douleur depuis l’arrivée du marcheur Macron au pouvoir. Elles ont tenté à plusieurs reprises de convoquer la foule sur le bitume pour freiner la politique du gouvernement. La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon s’est démultipliée, notamment au début du quinquennat, pour proposer un autre chemin. Rien à faire. Réforme de la SNCF, de l’assurance chômage… Seuls les gilets jaunes ont réussi à faire sérieusement trembler l’Elysée. Mais les partis n’avaient pas été officiellement invités à la lutte. Pas facile d’être un politique sur un rond-point.
Noms d’oiseaux
Jeudi, toutes les couleurs (rose, rouge et vert) seront dans le cortège, même si elles ne sont pas toutes sur la même ligne sur le fond. Des débats existent sur les régimes spéciaux et l'âge de départ à la retraite. Mais elles sont toutes partantes pour s'opposer au rapport du haut-commissaire chargé des retraites, Jean-Paul Delevoye. Dans un entretien à 20 Minutes, le chef des insoumis, Jean-Luc Mélenchon, annonce : «L'objectif, c'est le retrait du plan du gouvernement. Si le gouvernement veut réformer, on peut discuter d'un seul point : comment faire pour qu'il n'y ait plus une seule personne dont la retraite est inférieure au seuil de pauvreté ?»
De son côté, le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, explique qu'il n'y a pas «d'urgence» à réformer les retraites. Il est «d'accord» sur un point avec le gouvernement : le système actuel n'est pas «totalement juste». Le hic : celui que propose Delevoye «ne l'est pas non plus». Résultat, le PS sera en nombre dans la rue. Ses différents dirigeants seront sûrement accueillis fraîchement dans le cortège. Avec des sifflets et des noms d'oiseaux. Le quinquennat de François Hollande et sa loi travail ont laissé des traces profondes. Mais «on ne va pas se cacher», prévient Faure.
A lire aussi Pour LR, un hasardeux entre-deux
La députée communiste Elsa Faucillon grimpera dans un bus, dans sa circonscription à Gennevilliers, pour se rendre à la manifestation accompagnée de militants et de syndicats. «J'espère vraiment que la mobilisation sera énorme car ces dernières années, nous, les politiques et les syndicats, nous n'avons pas réussi à mobiliser en masse», souffle-t-elle, le nez sur la météo de jeudi : pas de pluie au programme !
Propositions
Chose rare, les gauches pensent au coup d'après. Elles tentent de s'organiser. Un exemple ? Toutes les couleurs seront également présentes le 11 décembre, à la Bourse du travail de Saint-Denis, pour participer à un grand meeting contre la réforme des retraites. L'organisateur de la soirée, le chef des communistes, Fabien Roussel, rêve d'un monde idéal : un contre-projet commun des gauches. Le temps presse. Pas simple de se mettre d'accord sur le fond. Et les Insoumis planchent déjà dans leur coin : ils prévoient de faire des propositions avant les fêtes de fin d'année. Un dirigeant PS guette tout ça d'un bon œil. «On ne va pas jouer la comédie en proposant un programme commun. Il existe des différences et elles ne se règlent pas en quelques jours, reconnaît-il. Mais le fait de s'opposer tous ensemble contre la réforme des retraites ou la privatisation d'Aéroports de Paris, c'est déjà pas mal. Ça paraît banal, mais c'était impossible en début de quinquennat.»
Pendant ce temps, les figures de la majorité défilent pour dénoncer une autre alliance. Le ministre Gérald Darmanin, dans le Journal du dimanche : «C'est la première fois de l'histoire que le FN et le PS manifesteront côte à côte.» Un argument repris à l'envi par le délégué général de LREM, l'ancien socialiste Stanislas Guerini. Ils dénoncent une «convergence» pour faire «chuter» le gouvernement. Les gauches se marrent en écoutant les éléments de langage. Et répliquent en chœur que c'est loin d'être la première fois qu'elles arpentent le bitume, elles. «Contrairement au FN, défiler pour défendre les injustices, c'est dans nos gènes», disent-ils. Et puis, «qui organise un duel avec Marine Le Pen depuis son arrivée au pouvoir ?»