«A partir de maintenant, ce sera œil pour œil. Pensez à vos familles que vous laissez seules les week-ends. Pour chaque citoyen blessé, ce sera un membre de famille de FDO [force de l'ordre, ndlr] qui subira les mêmes préjudices et sans remords.» Ces quelques phrases, référence sans équivoque aux blessés des manifestations de gilets jaunes, et extraites d'une lettre anonyme reçue jeudi aux domiciles de plusieurs CRS, ont semé effroi et inquiétude au sein de la police.
Les syndicats Alternative Police (CFDT) et Unité SGP Police FO ont donné l'alerte : plus d'une dizaine d'agents des Compagnies républicaines de sécurité (CRS) répartis partout en France ont reçu le même texte de menaces. Certaines lettres ont été déposées directement dans les boîtes aux lettres, sans passer par les services postaux. Elles sont signées «ACAB», une abréviation du slogan anti-policiers «All cops are bastards» («tous les flics sont des salauds»).
Des faits d'une «extrême gravité» pour le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, qui a annoncé l'ouverture d'une enquête. Une note de la Direction générale de la police nationale et de la Direction centrale des CRS a alerté sur ces envois, en invitant les destinataires à ne pas ouvrir les enveloppes et à les remettre aux enquêteurs.
Selon les syndicats, les CRS destinataires déjà recensés, à Limoges, Périgueux et Grenoble, ont porté plainte jeudi. Tous occupent la fonction de régisseur, un poste destiné à la gestion budgétaire : la liste de leurs noms et prénoms a donc fait l'objet d'une publication au Journal officiel.
«Ces lettres visent à semer la terreur dans nos rangs : on essaie de dissuader les CRS d'aller travailler, en menaçant femmes et enfants», abonde Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Unité SGP Police FO. «Avec ces lettres d'une violence inouïe, on va bien au-delà de ce qu'on connaissait jusqu'à présent : les policiers sont formés à faire face à des menaces, des agressions, qui font partie des risques du métier, mais ces lettres ciblent principalement les familles», se désole quant à lui Denis Jacob, secrétaire général d'Alternative Police.
Les syndicats demandent des garanties de protection de la part du gouvernement, mais aussi l'anonymisation des listes de qualification publiées au Journal officiel.