«C'était le 6 juillet, à la sortie d'un festival au bois de Vincennes, à Paris, vers 6 heures. On s'était dit avec un ami qu'on prendrait les premiers métros, mais j'étais très fatiguée et, comme on n'allait pas faire tout le trajet ensemble, je me suis dit qu'il serait plus sûr de prendre un Uber. Une fois mon ami déposé, le chauffeur me dit : "Pourquoi tu ne rentres pas avec lui ? Tu ne peux pas finir la soirée toute seule." Je coupe court à la conversation. Et là, il continue : "Je suis sûre que t'adore le sexe, t'es une coquine, tu te touches." J'étais très gênée. A un moment, je vois qu'il baisse son pantalon. Je tourne donc la tête de l'autre côté. Il continue : "Regarde comme tu m'excites." J'entendais qu'il se masturbait.
«En arrivant à Clichy [Hauts-de-Seine, ndlr], je me suis demandé si je n'allais pas descendre au feu rouge, mais j'avais peur qu'il m'attrape. En arrivant chez moi, je sors donc en courant et ferme vite la grille de mon immeuble derrière moi. Il se met à hurler : "J'avais pas vu, t'es bonne ! Regarde comment tu me la lèves. Je monte je viens m'occuper de toi, donne-moi ton numéro." Une fois dans le hall, j'ai compris ce qui venait de m'arriver et j'ai fondu en larmes.
«J'ai signalé ce qui s'était passé à Uber dans la case "Mon chauffeur m'a fait me sentir en danger". En me réveillant, je n'avais pas de réponse, juste un accusé de réception. Je suis donc allée porter plainte. La police me disait qu'ils ne voulaient pas prendre ma plainte car je n'avais pas l'immatriculation [elle n'est plus visible dans l'application après la course]. Uber finit par m'appeler, une dame me dit qu'ils prennent "ça très à cœur", qu'ils sont "engagés". En pleurs, je lui dis que je suis en train de porter plainte. Elle refuse de me donner les infos et me transfère un mail à fournir à la police.
«Après avoir longuement insisté, la police a pris ma plainte contre X. En juillet, mon avocate a même envoyé un courrier à la plateforme. Sans succès. Je n'ai pas eu de nouvelles jusqu'à ce que je poste un tweet en novembre dans le cadre d'#UberCestOver. Ils m'ont alors assuré qu'ils communiqueraient les infos au commissariat, en ajoutant : "On prend ça très à cœur, c'est très important pour nous. On a une cellule exprès pour soutenir les victimes." Ils font ça parce que le hashtag est sorti. Pour moi c'est un coup de com, une manière de me dire "taisez-vous".»