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Libération
EDITORIAL

Fragilité

publié le 8 décembre 2019 à 20h16

En sport, les commentateurs évoquent le «money time», ce moment où tout se joue. Emmanuel Macron y est. En politique, on parle de «semaine décisive», de «tournant du quinquennat». Aucun locataire de l’Elysée n’a échappé à ces formules éculées. Certains ont même survécu à plusieurs «tournants décisifs». Pour autant, avec Emmanuel Macron, elles ne sont pas galvaudées. Elles sont même peut-être en deçà de l’enjeu. Que le chef de l’Etat canne devant les syndicats et il en sera fini de son mandat. Un passage en force semble exclu. Il contredirait la méthode de dialogue servie pour vendre l’acte II du quinquennat. Et le rapport de force installé depuis jeudi ne le permet plus. Il peut bien sûr changer. Favorable aujourd’hui au mouvement de protestation, l’opinion peut évoluer, en fonction des précisions qui seront apportées par le gouvernement mercredi, ou bien sûr de la lassitude qu’engendra une grève longue durée dans les transports. Reste la voie du compromis. Et c’est là que ça se complique. Car cette notion, normalement au cœur de la promesse du «en même temps» qui a séduit l’électorat modéré de gauche et de droite, est paradoxalement le point de fragilité du macronisme. Les choix politiques - notamment fiscaux - et la stratégie jupitérienne d’exercice du pouvoir des débuts du quinquennat, l’absence d’une formation politique capable d’incarner le pari macroniste, mais aussi le tempérament du chef de l’Etat : tout a concouru à affaiblir la promesse initiale. Elle ne tient aujourd’hui qu’à un fil, ou plutôt qu’à un homme, Macron lui-même. Edouard Philippe, certes, va monter au créneau pour sauver la réforme des retraites. Mais c’est l’idée même du macronisme qui est en jeu. Cette idée qui en 2017 a fait fureur, mais que le Président n’a pas su faire vivre. Il se retrouve désormais dans la pire des situations pour tenter de la sauver : au pied du mur.