Ses anciens camarades socialistes n'ont pas contenu leur colère, ni retenu leurs coups. Lundi soir, l'ancienne députée PS Sandrine Mazetier, spécialiste des questions d'immigration et ancienne porte-parole d'Anne Hidalgo lors des municipales de 2014, a reçu le soutien de la majorité présidentielle pour le scrutin de mars. Pire : celle qui fut adjointe de Bertrand Delanoë, chargée du patrimoine entre 2001 et 2008, sera tête de liste de Benjamin Griveaux dans le XIIe arrondissement, où elle sera opposée à Emmanuel Grégoire, premier adjoint d'Hidalgo. Interrogé par Libération, ce dernier raconte comment Sandrine Mazetier est venue réclamer une place de conseillère de Paris à l'équipe Hidalgo «il y a quelques semaines…» Refus tout net «au titre du renouvellement».
Souplesse
Dans les colonnes du Parisien, la néocandidate assume, expliquant avoir été «ghostée», soit laissée de côté, par Anne Hidalgo. L'aveu alimente le procès en opportunisme de celle qui jugeait «extrêmement médiocre» la décision de Manuel Valls de voter Macron en 2017. «Je ne rejoins pas En marche, je rejoins Benjamin pour résoudre les problèmes des Parisiens», nuance-t-elle, jugeant le candidat LREM «convaincant sur la question des populations en difficulté, les quartiers populaires et la classe moyenne». Elle assure au passage qu'elle est toujours «une femme de gauche». Ce qui est une aubaine pour le camp Griveaux qui, après une première vague de débauchages chez Les Républicains, donne un coup de barre de l'autre côté. Il y a quelques mois encore, pendant la campagne des européennes, l'ancienne députée, issue des rangs strauss-kahniens, était toujours présente aux meetings parisiens de Raphaël Glucksmann. Une souplesse idéologique raillée par Pierre Jouvet, porte-parole du PS : «Trahir cette semaine, en pleine réforme des retraites, une des réformes les plus à droite du quinquennat… Il faut vraiment avoir perdu sa boussole idéologique.» En étant candidate face à un socialiste, Sandrine Mazetier «s'exclut du parti», ajoute Jouvet.
Contorsions
Dans le camp Villani aussi, on moque ce ralliement, plus pour taper sur Griveaux que sur Mazetier. La commission nationale d'investiture (CNI) «a examiné avec attention le dossier de la candidate Mazetier et dans sa grande sagesse a considéré qu'après son échec cuisant aux législatives, elle pouvait utilement être recyclée pour contrer la dérive droitière du candidat officiel», a ainsi écrit sur Twitter Anne-Christine Lang, députée et soutien du mathématicien. L'équipe du dissident LREM se délecte de la flopée d'investitures portant le sceau de la droite, comme Florence Berthout, ancienne patronne du groupe LR à Paris et soutien de François-Xavier Bellamy aux européennes, dans le Ve, ou Delphine Bürkli, élue elle aussi sur une liste UMP en 2014, dans le IXe. Pour les villanistes, Griveaux dérivait vers la droite, leur laissant la voie libre pour incarner le macronisme des origines.
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Cet appel d'air à gauche est donc bienvenu pour le candidat officiel de LREM. «Nous, on rassemble au-delà des organisations politiques. Ce sont des gens qui viennent à nous, qui s'engagent concrètement», veut croire Pacôme Rupin, directeur de campagne de Griveaux. En résumé : quand Villani tendrait la main en vain, Griveaux, lui, attirerait. Ce qui se fait cependant sur le dos de la clarté. Dans le même communiqué, le parti macroniste soutient Mazetier mais aussi Patrick Ollier, ancien pilier du RPR et de l'UMP, maire de Rueil-Malmaison depuis 2004. «C'est le grand écart permanent sans cohérence de fond», attaque un proche de Villani. Et ce n'est peut-être pas la fin des contorsions : Pacôme Rupin explique discuter «avec tout le monde» notamment dans le XVe et le XVIIe. Les noms des maires LR Philippe Goujon ou Geoffroy Boulard irritent pourtant. Une élue parisienne s'agaçait fin novembre : «Je ne me suis pas tirée de la droite pour retrouver ces mecs de l'autre côté.»