Le temps de son procès en appel pour fraude fiscale, il s'est extrait lundi matin de la cellule où il purge sa peine de quatre ans de prison ferme infligée en première instance le 13 septembre. Patrick Balkany a maigri (-24 kilos, selon la légende entretenue par ses aficionados, mais peu importe le quantum). Manifestement affaibli, le maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) a toujours un sourire carnassier. Il embrasse sur la bouche Isabelle Balkany, aux petits soins pour lui. Elle n'avait pas comparu en première instance en raison de sa tentative de suicide mais s'est manifestement refait une santé comme maire consort de Levallois, se substituant à son époux empêché.
Les deux édiles, 71 et 72 ans, ont été condamnés respectivement à quatre et trois ans de prison ferme et dix ans d'inéligibilité en première instance. Sans mandat de dépôt pour Isabelle Balkany. Un mois plus tard, ils étaient à nouveau condamnés pour blanchiment aggravé. Ils ont fait appel de toutes leurs condamnations. Ces recours suspendent l'exécution de leurs peines – sauf l'incarcération de Patrick Balkany.
Jusqu'au 18 décembre, ils doivent donc à nouveau répondre de fraude fiscale. Ils sont poursuivis pour n'avoir pas payé l'ISF entre 2010 et 2015, malgré des actifs estimés à 16 millions d'euros annuels, mais également d'avoir déclaré des revenus amplement sous-évalués entre 2009 et 2014.
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La première partie du procès est proverbialement consacrée aux vices de procédures. Les avocats des Balkany exigent ainsi un report de ce premier procès en appel pour fraude fiscale pour mieux le raccorder à celui à venir, pour blanchiment, prévu en février prochain. De fait, les deux volets sont connexes. «La jonction est indispensable aux droits de la défense et au droit à un procès équitable», s'élance Me Romain Dieudonné, avocat de monsieur. «Nos droits sont bafoués, s'insurge derechef Me Pierre-Olivier Sur, avocat de madame, ce n'est pas une bonne justice.»
«Je ne suis pas juriste mais j’ai un peu de bon sens»
Habituellement, le blanchiment est la conséquence secondaire d'un délit dit primaire. En l'occurrence, une fraude fiscale. Sauf que chez les Balkany, toujours prompts à se distinguer, ce serait pour une fois l'inverse. C'est un blanchiment initial (l'héritage offshore d'Isabelle Balkany, sa famille ayant prospéré dans le caoutchouc) qui leur aurait permis d'acquérir une somptueuse villa (Pamplemousse) sur l'île de Saint-Martin. Ce n'est que dans un second temps qu'ils n'auraient pas déclaré cette propriété au titre de l'ISF. «J'ai reconnu une faute. Une faute n'a jamais d'excuse mais peut avoir des raisons», plaide Isabelle Balkany, avant d'égrainer des déchirures familiales et d'assurer avoir été «spoliée» par ses frères et sœurs.
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Patrick Balkany, lui, dit «ne plus rien comprendre». A l'entendre, la plupart de ses redressements fiscaux seraient issus de l'autre volet pénal dédié au blanchiment – son riad à Marrakech, une commission douteuse versée sous prétexte de business en Afrique par l'homme d'affaires George Forrest. Dans ce procès fiscal, seule serait en cause la non-déclaration de leur villa antillaise. «Je ne suis pas juriste mais j'ai un peu de bon sens», croit utile de faire savoir Patrick Balkany à la cour.
Un souci de coopération judiciaire internationale
Faut-il lui faire un dessin ? Est ici en cause le «principe de spécialité». En matière de coopération judiciaire internationale, des pays comme la Suisse, le Luxembourg ou le Liechtenstein acceptent d'apporter leur concours en matière de blanchiment, mais pas en cas de fraude fiscale, qui n'est pas un délit à leurs yeux. D'où la nécessité pour la justice française de bien séparer les deux problématiques. «La demande de jonction des deux procédures reviendrait à demander à la France de ne pas respecter ses engagements internationaux, de mettre en péril le système d'entraide internationale, de fragiliser les procédures», rétorque la représentante du parquet, Muriel Fusina. L'objectif serait-il de torpiller la coopération franco-suisse en matière fiscale ? «J'en ai rien à faire de l'amitié franco-suisse», souffle un avocat de la défense lors d'une suspension d'audience.
Demande finalement rejetée, le procès en appel pourra donc suivre son cours. Patrick Balkany aura toutefois arraché une victoire de haute lutte : le droit de comparaître assis sur une chaise ou un fauteuil, et non sur le simple banc des accusés. Souffrant manifestement («J'ai été opéré d'une tumeur, on m'a enlevé la moitié d'une vertèbre, j'ai six vis dans le dos»), cette problématique aura fait grand cas, résumée par la présidente de la cour d'appel, Sophie Clément : «Les consignes de sécurité sont claires. Un détenu comparant dans le box doit être accompagné de deux gendarmes. Si on le met sur un siège dans la salle, il en faudrait un troisième.» Mais en ces temps de grève des transports, les effectifs de la maréchaussée du palais de justice sont actuellement clairsemés. La présidente Sophie Clément, qui rechigne à sortir un détenu du box, y fera finalement installer une petite chaise. Patrick Balkany s'y est assis en grimaçant.