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Libération

D’où vient «On est là», le chant des gilets jaunes ?

Manifestation de cheminots, à Lyon le 12 juin 2018. (Photo Jeff Pachoud. AFP)
publié le 13 décembre 2019 à 20h21
(mis à jour le 16 décembre 2019 à 9h30)

Entêtant, le chant retentit à chaque acte du mouvement des gilets jaunes ou dans les cortèges syndicaux depuis plus d'un an : «On est là ! Même si Macron le veut pas, nous on est là ! Pour l'honneur des travailleurs et pour un monde meilleur, même si Macron le veut pas, nous on est là !» Une chose est sûre : le On est là était chanté dans des stades bien avant de l'être en manifestation. Que ce soit au stade Bollaert (RC Lens) ou au Vélodrome (Olympique de Marseille), les supporters l'utilisent depuis au moins une quinzaine d'années : «Pour l'amour du maillot, que vous portez sur le dos, même si vous l'méritez pas, nous on est là !» Le chant est passé des stades aux cortèges assez récemment. Un militant antifa lillois a fait parvenir à CheckNews une vidéo des manifestations contre la loi travail, en septembre 2017 à Lille. On y entend une nouvelle version du On est là, avec des paroles qui visaient le projet de loi. «Je suis allé plusieurs fois en tribune Marek à Bollaert. J'ai récupéré le chant et on l'a adapté [pour les manifestations] avec Jordan, un militant d'Hénin-Beaumont aujourd'hui décédé, se souvient le militant. C'est lui qui l'a introduit dans le répertoire [des syndicats] en squattant le micro des camionnettes. Le cortège autonome l'a chanté, puis SUD rail.» En suivant le rail, on trouve de nouvelles paroles en juin 2018, dans plusieurs vidéos tournées dans des gares. A l'origine de cette version ? Un petit groupe de grévistes de la gare Lyon Part-Dieu, qui l'a proposée pour dynamiser les manifestations contre la réforme ferroviaire : «Pour l'honneur des cheminots et l'avenir de nos marmots, nous on est là !» C'est ensuite un autre groupe de cheminots, le collectif Intergare, qui a «importé» le chant dans les cortèges de gilets jaunes, dès les actes II et III. Philou, agent matériel à la SNCF, a eu l'idée de l'adapter pour évoquer Macron, les travailleurs et un monde meilleur. Sur le choix des mots, il explique s'être rendu compte, après avoir «parlé aux gens sur les ronds-points», que tous étaient des «travailleurs, souvent précaires». Et le «monde meilleur» ? «C'est en réponse au racisme, au fascisme, au sexisme. Le monde meilleur c'est ce qu'on cherche.» Pour Anasse Kazib, également membre de l'Intergare, ces paroles ont eu une autre vertu : «Ça permettait de montrer qu'il y avait une masse d'ouvriers chez les gilets jaunes qui ne sont pas d'extrême droite. Tu verras jamais l'extrême droite chanter "pour l'honneur des travailleurs".»