Pour le président du groupe LREM à l'Assemblée, Gilles Le Gendre, «alors que CFDT, CFTC et Unsa sont acquises à la réforme des retraites, ce serait un paradoxe que celle-ci trébuche» sur la mesure de l'âge d'équilibre.
A la suite des révélations sur ses mandats non déclarés, Jean-Paul Delevoye a démissionné de son poste de haut-commissaire aux retraites. Quelle est votre réaction ?
C’est lui qui a jugé que la situation n’était pas tenable et notre groupe respecte sa décision. Nous perdons un partenaire de jeu de premier plan qui avait associé les députés LREM dès la genèse de la réforme. Maintenant, la réforme existe, elle est lancée. Nous allons la mener à bien avec le gouvernement et la personne qui sera bientôt nommée pour le remplacer.
Pour renouer le dialogue avec les syndicats réformistes, dont la CFDT qui demande le retrait d’un âge d’équilibre à 64 ans, quel geste faut-il faire ?
L’équilibre financier du système universel par points à partir de 2025 ou 2027 est une condition nécessaire des futures retraites. Mais la façon d’assurer cet équilibre relève des négociations. Pour que ces discussions reprennent et soient fructueuses, nous devons sortir de la confrontation binaire sur l’âge d’équilibre et le bonus-malus. Il y a effectivement ce point de fixation, mais ne butons pas dessus et élargissons la discussion pour englober les sujets qui lui sont liés. Et ils sont nombreux : la pénibilité, les carrières longues, l’emploi des seniors. Il y a de la matière à négociation et les marges de manœuvre pour les syndicats sont importantes.
La concertation sur la réforme des retraites a débuté il y a plus d’un an. Tout cela n’a-t-il pas déjà été évoqué ?
Il était surtout question, jusqu’ici, d’aborder l’architecture du nouveau système de retraites dans ses grands axes. La semaine dernière, nous avons dévoilé nos cartes, mais il reste une multitude de détails techniques à régler. C’est tout ce travail de finition qu’il faut désormais mener avec les syndicats. La question épineuse de l’équilibre financier ne doit pas nous empêcher de nous mettre autour d’une table.
Leur cadre est très contraint sur l’aspect budgétaire. N’est-ce pas un jeu de dupes de suggérer aux syndicats de trouver une solution, tout en laissant planer la création de l’âge d’équilibre ?
Nous avons dit notre intérêt pour l’âge d’équilibre, mais nous n’excluons rien. Je distingue la sécurisation financière du régime, sur lequel le gouvernement est d’une très grande fermeté, et les modalités pour l’obtenir, sur lesquelles nous sommes ouverts. Dans notre projet, nous confions aux syndicats une grande responsabilité en créant une gouvernance originale chargée de piloter le nouveau système. Cette gouvernance peut servir de laboratoire à une refondation de la démocratie sociale et permettre ainsi de restaurer cette confiance qui fait aujourd’hui si cruellement défaut dans notre pays.
Après la présentation de la réforme, les députés LREM se sont montrés très inquiets de la réaction hostile de la CFDT. Soutiennent-ils toujours l’idée d’un âge d’équilibre ou pourraient-ils eux aussi demander une concession sur ce point ?
Certains députés ont leur propre position sur l’âge d’équilibre, ce qui est normal dans le débat actuel. Mais dans sa très grande majorité, le groupe considère que la solidité financière du nouveau régime est une condition de son succès et nous sommes tous déterminés à surmonter la seule vraie divergence qui nous différencie des syndicats réformistes : la mesure d’âge comme outil de régulation financière. Alors que ces trois syndicats (CFDT, CFTC, Unsa) sont acquis à notre réforme, ce serait un paradoxe que celle-ci trébuche sur cette seule question. Les Français ne le comprendraient pas. Aussi, tous les efforts doivent être faits pour retrouver le chemin du dialogue.
Des députés LREM ont pris l’initiative de rencontrer Laurent Berger lundi… Quel rôle votre groupe entend-il jouer ?
Nous avons toute confiance dans le gouvernement, il est le seul négociateur et nous ne nous posons en aucun cas en instance de négociation parallèle. Mais nous entendons jouer notre rôle de parlementaires pour trouver une issue à cette crise sociale. Nous avons vocation à parler à tout le monde. Certains de mes collègues entretiennent des contacts informels avec la CFDT. Pour ma part, au nom du groupe, j’ai invité les syndicats réformistes à rencontrer officiellement une délégation de députés LREM. Ces rencontres auront lieu une fois que les discussions entre les syndicats et le gouvernement auront repris.