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Réforme des retraites

SNCF et RATP : «Djebbari est tout de même plus rock’n’roll que Delevoye»

En marge des négociations principales sur la réforme des retraites, le secrétaire d’Etat aux Transports négocie discrètement avec les représentants des deux entreprises pour vendre une réforme «liftée».
Jean-Baptiste Djebbari, lors de son passage à la Direction des routes Ile-de-France, à Nanterre, vendredi. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 18 décembre 2019 à 21h16

Par les temps qui courent, ne cherchez pas Jean-Baptiste Djebbari entre 7 heures et 9 heures. Le secrétaire d'Etat aux Transports est soit l'invité d'une matinale, soit en train de visiter un site de la SNCF. A moins que ce soit un dépôt de la RATP. Mardi, jour de mobilisation générale contre le projet de réforme des retraites, il débarque au moment des croissants au siège de la sûreté générale de la SNCF, la police des trains. Un échange avec les agents, un œil sur les écrans de contrôle, une discussion avec Jean-Pierre Farandou, le patron de la SNCF, et le voilà reparti dans son monospace bleu marine, à bord duquel il n'oublie jamais de glisser un sac de voyage, dont dépassent un pull, des dossiers et son ordinateur portable. «Ça me permet de bosser à tout moment.»

«Guerre»

Mais lorsqu'il n'arpente pas les quais de gare ou les dépôts de bus accompagné de caméras, Djebbari négocie discrètement avec les représentants syndicaux de la RATP et de la SNCF. Mercredi après midi, alors que des discussions officielles se tiennent à Matignon, il discute à l'abri des regards avec les élus de l'Unsa. Le rendez-vous avec la CFDT est prévu ce jeudi. Au programme : les propositions gouvernementales, encore en gestation, pour sortir de la grève. Les bureaux du secrétariat d'Etat aux Transports, logés dans un discret hôtel particulier de la rue du Bac, semblent avoir été conçus sur mesure pour les entrées et les sorties discrètes. Peu de chance cependant pour que Laurent Brun, le patron des cheminots CGT, passe une tête. «Nous avons eu une explication franche. Je lui ai dit : "Quand il s'agit du système ferroviaire, je serai là pour discuter. Et sur le plan politique, vous me trouverez en face de vous, raconte Djebbari. Nous sommes en désaccord sur tout."» Ambiance… Libé a sollicité Brun pour recueillir son point de vue mais il n'a pas donné suite. Il semble, selon un témoin, que la discussion se soit néanmoins terminée de manière particulièrement épicée, le leader syndical lançant, un rien menaçant : «On ne gagne jamais un conflit social par KO, ce sera la guerre.»

Pourtant, Jean-Baptiste Djebbari, ancien député LREM de Haute-Vienne et spécialiste des questions de transports, nommé au gouvernement début septembre, a réussi à renouer le dialogue avec une bonne partie des représentants de la SNCF. «Il est tout de même plus rock'n'roll que Delevoye et il a compris rapidement ce que nous demandions», estime Didier Mathis, le secrétaire général de l'Unsa Ferroviaire.

La méthode Djebbari repose sur la discussion plutôt cash et épurée de toute démonstration technocratique élaborée sur un tableur Excel. Son côté joueur de rugby.

«Tutelle»

Ces derniers jours, il bataille ferme pour vendre aux syndicats de la RATP et de la SNCF les plus modérés une version «liftée» de la réforme des retraites. Sur le papier, le système universel de retraite à points sonne le glas de tous les régimes spéciaux. Le secrétaire d'Etat : «Nous travaillons pour que les agents de la RATP et de la SNCF concernés par le système universel bénéficient du meilleur niveau de pensio n.» En clair, il s'agit d'aboutir à un compromis qui permette de calculer leur pension non pas sur l'intégralité de leur carrière mais sur une période bonifiée de manière à améliorer leur future retraite. Le hic, c'est que la proposition vient visiblement un peu tard. «Le plus dur maintenant, ça va être d'expliquer cette proposition aux cheminots. Il aurait dû la mettre sur la table au mois de novembre», estime Didier Mathis. «Nous évaluons à 32 000 le nombre d'agents de la SNCF touchés par la réforme. Pour le moment, nous effectuons des simulations», temporise un responsable de la CFDT Cheminots.

C'est peut-être du côté de la direction de la SNCF que Djebbari doit encore convaincre. La haute hiérarchie de l'entreprise ferroviaire a modérément apprécié d'être convoquée dans le bureau du secrétaire d'Etat pour se faire expliquer comment mettre en musique la réforme et quels seraient les agents concernés. «Au moment où le gouvernement a fait voter une loi qui renforce notre autonomie, c'est le retour de la tutelle de l'Etat», grince un cadre dirigeant. «Pour être lisible, il fallait dire qui était concerné par la réforme des retraites et qui ne l'était pas. C'est chose faite», répond en écho le secrétaire d'Etat. A l'issue du mouvement, l'ex-major de promotion de l'Ecole nationale de l'aviation civile pourrait bien gagner quelques galons supplémentaires en macronie. Un ministère de plein exercice ? A moins qu'il ne brigue la mairie de Limoges au printemps prochain ou la présidence de la région Nouvelle-Aquitaine, en 2021. Ce qu'il ne confirme évidemment pas. «Je suis un homme de mission», répond-il. Macroniste jusqu'au bout.