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Loi

Violences conjugales : le Sénat vote pour le bracelet électronique anti-rapprochement

La proposition de loi du député LR Aurélien Pradié prévoit aussi le renforcement des ordonnances de protection et la suspension automatique de l’autorité parentale lors de crime sur conjoint.
Manifestation contre les violences faites aux femmes à Paris, le 23 novembre. (Edouard CAUPEIL/Photo Edouard Caupeil)
publié le 18 décembre 2019 à 20h33

Le principe est simple : sur décision de justice, la victime et l'auteur de violences sont équipés d'un dispositif qui donne l'alerte dès qu'une distance géographique prédéfinie est franchie entre eux. Les protagonistes comme les forces de l'ordre en seront automatiquement avertis. Adoptée en Espagne en 2008, la méthode s'est avérée efficace, avec un net recul du nombre de féminicides. En France, elle a été envisagée dès 2010, sous le nom de «dispositif électronique de protection anti-rapprochement» (Depar). Mais en dépit de plusieurs votes favorables ce Depar n'a jamais expérimenté de façon significative. Les choses devraient changer avec l'adoption définitive, ce mercredi 18 décembre, par le Sénat, après l'Assemblée, de la proposition de loi Les Républicains visant à agir contre les violences au sein de la famille.

La généralisation du bracelet électronique anti-rapprochement pour les auteurs de violences conjugales, sans même passer par la case expérimentation, est la mesure phare du texte du député du Lot Aurélien Pradié, qui a habilement pris de vitesse le gouvernement et son Grenelle des violences conjugales. Le bracelet pourra être mis en place aussi bien au pénal qu'au civil, à titre préventif, dans le cadre d'une ordonnance de protection, sous réserve du consentement du conjoint violent.

Ce consentement était indispensable pour éviter un risque d’inconstitutionnalité. Aurélien Pradié a précisé que le conjoint violent sera fortement incité à le donner pour éviter la détention provisoire ou pour bénéficier d’un aménagement de peine s’il est déjà condamné. Au civil, en cas de refus du bracelet, le juge aux affaires familiales (JAF) pourra en aviser immédiatement le procureur de la République. Au total, le coût de la mise en service d’un millier de ces bracelets a été évalué à 5 ou 6 millions d’euros par le ministère de la Justice.

L’ordonnance de protection musclée

Cette proposition de loi renforce également l'ordonnance de protection, qui permet de mettre à l'abri une victime de violences conjugales et de statuer sur les mesures relatives aux enfants et au logement. Jusqu'ici, le JAF saisi devait se prononcer dans «les meilleurs délais» et la moyenne était passée à quarante-deux jours. La proposition de loi fixe un délai maximal de six jours. Difficile à mettre en pratique, il a suscité des réserves de la Chancellerie. Le texte incite aussi le JAF à statuer sur l'ensemble des prérogatives dont il dispose: logement, modalités d'exercice de l'autorité parentale…

Si le juge délivre une ordonnance de protection, l’auteur des violences aura l’interdiction d’acquérir ou détenir une arme. Pour le logement, le texte prévoit une nouvelle mesure, à titre expérimental, pour trois ans: si la victime quitte le domicile, une aide financière peut lui être octroyée pour prendre en charge la caution ou la garantie locative, ou encore avancer des premiers mois de loyer…

Autorité parentale suspendue

Elle ne figurait pas dans le texte initial, elle a été ajoutée lors de débats tendus entre députés et sénateurs, en commission mixte paritaire : en cas de crime ou de poursuites pour crime, l’autorité parentale sera suspendue de plein droit et cette mesure s’appliquera aussi pour les procédures en appel. Concernant la suspension de l’autorité parentale pour des faits de violence, elle sera envisagée par un autre texte, porté cette fois par les députés LREM et au menu de l’Assemblée nationale fin janvier.

A également été ajoutée au texte Pradié l’exclusion de la succession d’une personne décédée, ou de la pension de réversion, du conjoint qui a été condamné pour violences envers cette personne.

Enfin, cette proposition de loi entend relancer le téléphone «grave danger», qui a été testé dès 2009 en Seine-Saint-Denis et à Strasbourg et introduit dans la loi en 2014. Muni d’une unique touche permettant d’appeler les secours, cet appareil est octroyé pour six mois renouvelables aux femmes victimes de violences conjugales qui en font la demande. Une fois enclenché, il doit permettre une intervention rapide des forces de l’ordre.