Benoît Payan en a marre. Le socialiste marseillais s'était montré plutôt discret jusque-là, alors que la gauche locale n'en finit plus de se prendre la tête sur la personnalité susceptible de mener une liste d'union en vue des municipales de mars. «Le moment de la clarification est venu, on a perdu trop de temps en discussions», affirme désormais l'élu. Sa solution : organiser un «vote démocratique» des troupes du Printemps marseillais.
Grincheux
Lancée à la rentrée, cette coalition «inédite» de partis (PS, PCF, LFI…), de syndicats, de citoyens et de militants associatifs bloque depuis quelques semaines sur le choix d'un leader pour incarner le mouvement et, le cas échéant, devenir maire de Marseille. «Le Printemps, c'est une promesse, c'est éviter les faux procès, les circonvolutions, la politique politicienne. C'est pour cela que je me suis inscrit dans ce mouvement, et avec moi, des milliers de Marseillais. C'est eux notre légitimité, c'est à eux qu'il revient de décider qui les conduira à la victoire en mars», soutient Payan. L'idée, donc, serait de sortir des blocages entre partis en organisant une élection avant l'élection, «très vite après les fêtes», propose l'élu. Les quelque 4 500 signataires de l'appel du «Mouvement sans précédent», texte fondateur du Printemps marseillais, y participeraient. Leur mission : choisir parmi les candidats qui, d'ici là, devront se déclarer… ce que n'a toujours pas fait Payan. «Je vois beaucoup de gens parler de ma candidature, cela inquiète quelques grincheux. Mais je reste maître de mon agenda et je ne prendrai aucune décision à la légère», évacue l'élu.
Une éventuelle candidature PS, c'est pourtant le sujet qui fâche une partie des troupes en interne. La belle union avait pourtant bien commencé, avec un appel «sans précédent» lancé au cœur de l'été dans Libération, les municipales en ligne de mire. Elus socialistes, communistes et insoumis acceptaient de baisser les bannières pour s'associer aux citoyens et donner une chance à la gauche de l'emporter après vingt-cinq ans de gestion de Marseille par les troupes de Jean-Claude Gaudin. Un «espoir» d'union sacrée plébiscité par la plupart des électeurs de gauche, comme une réponse à l'émotion et la colère suscitée par la catastrophe de la rue d'Aubagne, le 5 novembre 2018.
Sauf qu'à peine formée, la grande famille prenait un coup avec le départ en solo de l'un de ses enfants chéris : EE-LV décidait en octobre de quitter la table des discussions pour porter sa propre liste «écologiste et citoyenne». Puis ce sont les militants associatifs du Pacte démocratique qui avaient manifesté leurs réticences, jusqu'à acter la fin des discussions la semaine passée.
«Oukases»
Le dernier épisode en date s'est déroulé le week-end dernier chez les insoumis : les troupes marseillaises de Jean-Luc Mélenchon se sont affrontées à coups de communiqués pour savoir si, oui ou non, une tête de liste socialiste pouvait être désignée pour mener le futur attelage unioniste. Si LFI n'a pas pour autant décidé à quitter le Printemps, Mélenchon a redonné son avis : pour lui, c'est non : «Une tête de liste PS, c'est enfiler des vieux habits, les gens ne veulent plus de ça.» Pour autant, il ne donne aucun ordre à ses troupes locales. «Mélenchon ne comprend pas Marseille, il n'y vient que quelques jours par mois ! Il ne comprend pas l'enjeu, renvoie Benoît Payan. Cette ville mérite mieux que ce sectarisme. L'incarnation de l'union ne peut pas être choisie entre soi, selon les oukases des uns et des autres. C'est aux signataires de décider qui portera leurs couleurs : je demande la démocratie.»
Vote ou pas vote ? Ensemble ou séparés ? A moins de trois mois du premier tour, résoudre l'équation politique permettrait de passer - enfin - au fond de la campagne… En attendant le plan de table, le Printemps a lancé lundi un «appel aux candidatures citoyennes» avec l'idée d'aboutir à des listes composées «pour moitié des habitants de la ville et pour moitié des responsables politiques». Les prétendants ont un mois pour remplir un formulaire sur le site du mouvement, après quoi les candidatures seront «étudiées par un collège électoral émanant du parlement du Printemps marseillais et de ses signataires». Le mouvement est aussi passé à l'offensive en placardant ses affiches sur les panneaux de la ville. Le message : «L'espoir arrive.» Toujours ?