En ce mois de décembre socialement agité, la grisaille s’est abattue sur les champs et vallons du centre Bretagne. Une météo poisseuse qui semble encore plus isoler les quelques hameaux dispersés dans la campagne. Au bout d’un raidillon s’insinuant entre des bois touffus, la maison de Noël Pouliquen apparaît soudain, propret pavillon de couleur crème tranchant sur le vert tendre des pelouses et celui, plus sombre, des résineux. A l’intérieur, tout semble immaculé, le sol, les murs blancs, la cuisine, avec, à une extrémité du salon, les flammes d’un feu de bois qui dansent dans l’insert de la cheminée et, à l’autre bout, une série américaine agitant ses ombres sur un grand écran plat.
Fier colosse aux yeux bleus et au visage orné d'un bouc grisonnant, Pouliquen se tient bien droit à la table minérale où ont été rassemblées ses pièces à conviction. Le jugement du tribunal de grande instance a condamné le géant de l'agroalimentaire Triskalia (qui vient de fusionner avec D'aucy), début novembre, pour «faute inexcusable» à la suite du cancer contracté en 2015 par son ex-employé. La pile de témoignages manuscrits de ses ex-collègues, épaisse comme un pouce, détaille les conditions indignes de travail sur la plateforme de Glomel, dans les Côtes-d'Armor, où étaient entreposées des centaines de sacs et bidons de produits phytosanitaires en tout genre, destinées à alimenter les détaillants bretons. Ou décrivent maux de têtes, saignements de nez, d'oreille, problèmes respiratoi