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Libération

Emanuel Ungaro, le glamoureux

publié le 22 décembre 2019 à 20h16

Ses créations, son style, avaient quelque chose d’italien, un parfum de Riviera. Le couturier Emanuel Ungaro est mort samedi à 86 ans à Paris, où il vivait dans un hôtel particulier, au cœur du faubourg Saint-Germain. Dans le même temps, il a toujours souligné son attachement à Aix-en-Provence, son berceau : antifasciste, son père, originaire du sud des Pouilles (comme sa mère), s’y était installé après avoir fui l’Italie mussolinienne. Et Emanuel Ungaro, dans les rares interviews qu’il a accordées, a toujours souligné combien cette culture italienne lui était fondatrice.

Son père l'avait initié au métier dès l'enfance. Les magazines de mode l'avaient fait rêver, de Paris, où tout se passait alors. Il rallie la capitale à 20 ans, après avoir passé beaucoup de temps en sanatorium pour cause de tuberculose. Une expérience enrichissante, dira-t-il : «J'ai eu la chance d'être malade pendant quatre ans. J'ai découvert la littérature, je me suis plongé dans la lecture et j'ai écouté beaucoup de musique…» A Paris, il file droit vers la maison Balenciaga, dans l'espoir de côtoyer le dieu d'alors, l'immense architecte du vêtement et du corps Cristobal Balenciaga. André Courrèges, assistant de Balenciaga, l'engage puis entraîne Ungaro dans la création de sa propre maison. Le duo tient un an : en 1965, Ungaro se lance, seul, sans argent, avec quatre couturières transfuges de Balenciaga.

Dès sa première collection, qui ne compte que 17 pièces, son style très féminin, tout en drapés (souvent de soie), couleurs vives, télescopages (fleurs, pois, rayures, carreaux), imprimés enjoués, séduit la cliente socialite (personnalité mondaine). Jackie Kennedy, Lee Radziwill, Liliane Bettencourt et bientôt les actrices Deneuve ou Adjani font d'Ungaro une marque synonyme de glamour raffiné. Lui, amoureux des mots et de leurs jeux, se disait «obsédé sensuel». Certitude : il n'y avait rien de vulgaire chez Ungaro, qui s'était aussi lancé dans le prêt-à-porter masculin.

Au top dans les années 80, Ungaro étend son empire (parfums, chaussures, lunettes…). Mais les années 90 virent au retour de boomerang. En 1996, la maison est rachetée par la famille Ferragamo et, à partir de 2001, Ungaro prend ses distances avec la mode, laisse à son collaborateur Giambattista Valli la direction artistique du prêt-à-porter et des accessoires.

Pendant quelques années, il continue de concevoir des collections. C'est en 2004 qu'il tire pour de bon sa révérence, en disant de la haute couture qu'elle ne correspond plus «à l'attente des femmes d'aujourd'hui». Ni à la sienne, on présume : d'après sa mode, elle était d'apporter un peu de douceur dans ce monde de brutes. Photo AFP