«Joyeux Noël !» Même trempée jusqu'aux genoux, Madeleine Muracciole garde le sens de l'humour. Cette sexagénaire domiciliée sur la commune de Lucciana, à 20 kilomètres au sud de Bastia, vient pourtant de vivre quelques heures de pure angoisse. Depuis l'étage de sa villa du lieu dit Brancale, elle a passé la nuit de samedi à dimanche à assister, la boule au ventre, à la montée du fleuve. Et dimanche matin, aux alentours de 7 heures, les eaux sont arrivées. En à peine dix minutes, elles ont parcouru les 300 mètres qui séparent les berges du Golo de sa maison, inondé son jardin, rempli 60 centimètres de vide sanitaire et se sont arrêtées, miracle, au perron. «Quand j'ai vu le niveau monter, j'ai appelé mon voisin qui, très gentiment, m'a aidé à mettre les meubles en hauteur ; à essayer de mettre à l'abri tout ce qu'on pouvait, raconte cette retraitée vivant seule. Cette fois-ci, l'eau n'est pas rentrée dans la maison mais il s'en est fallu de peu.» Il faut dire que dans ce quartier résidentiel urbanisé dans les années 80 sur d'anciennes terres agricoles, les inondations sont devenues monnaie courante : 1991, 1996, 2015, 2016… «La pire année, ça a été 2015, confie Laurent Santoni, un autre habitant du quartier. Il y avait jusqu'à un 1,5 m d'eau dans les maisons. Depuis, plusieurs d'entre elles sont fermées, les propriétaires qui ont réussi à se faire indemniser dans le cadre du fonds Barnier sont partis.»
Record de vent battu à Bastia
A chaque fois, le scénario est le même : de fortes précipitations en montagne qui gonflent les cours d'eau et un vent violent qui les empêche de se jeter dans la mer en perturbant les courants marins. Dimanche matin, aux alentours de 5 heures, la tempête a soufflé à 206,6 kilomètres par heure sur le Cap-Corse, dans la région de Bastia. Dans le centre-ville, un record datant de 1984 est tombé après que Météo France a enregistré une rafale à 169,9 km/h. Persiennes arrachées, hangars métalliques endommagés, pylônes électriques abattus… aucune victime n'est heureusement à déplorer. Sur les hauteurs de Ville-di-Pietrabugno, un pin parasol centenaire arraché par le vent est tombé à quelques mètres d'une maison habitée, détruisant le portail d'une résidence voisine et soulevant l'enrobé de la route «C'est vraiment un épisode exceptionnel, confie Michel Rossi, le maire de la commune. On a l'habitude des grosses rafales, mais des comme ça, on n'en avait jamais vu. C'est un phénomène nouveau : un vent qui change de direction, qui tourne et qui arrache les arbres.»
L’épisode venteux de samedi a paralysé la région bastiaise dans une période de fêtes généralement marquée par un regain d’activité. Sur l’ensemble du département de Haute-Corse, jusqu’à 20 000 abonnés d’EDF ont été privés de courant. Dans le port de Bastia, aucune rotation n’a eu lieu. Tous les vols en partance et à destination de l’aéroport de Poretta ont été annulés, obligeant la compagnie régionale Air Corsica à programmer, à la va-vite, cinquante vols supplémentaires pour la journée de lundi afin de permettre aux vacanciers de passer Noël en famille.
Les rivières Gravona et Prunelli débordent
Des désagréments importants mais qui sont finalement peu de chose à côté de ceux subis samedi par les habitants de la région ajaccienne. Prélude à l’arrivée de la tempête Fabien, un épisode pluies-vent autrement plus intense a fait sortir de son lit les rivières Gravona et Prunelli. Toute la plaine ajaccienne s’est retrouvée sous les eaux pendant une journée. Les accès à la ville, chose rare, ont tous été fermés. Et l’aéroport de Campo dell’Oro, dont les pistes ont été englouties sous un torrent de boue, ne devrait pas rouvrir, selon les prévisions les plus optimistes, avant mardi.