Un front des opposants à la réforme des retraites écorné, plus que fissuré. Il aura fallu attendre quinze jours de conflit, un discours du Premier ministre, des réunions bilatérales avec les partenaires sociaux puis une multilatérale, pour qu’enfin, le gouvernement parvienne à rassurer, et encore de manière bien sommaire, une toute petite partie des syndicats opposés au projet de réforme des retraites. Il doit préciser ce lundi le calendrier de la négociation, ou plutôt de la nouvelle concertation, prévue en janvier.
Première à poser un genou à terre, l'Unsa ferroviaire a fait savoir, jeudi 19 décembre, qu'elle marquait une «pause dans le mouvement social pour les congés de fin d'année». Le deuxième syndicat de la SNCF, qui ne pèse toutefois que 7% chez les conducteurs, juge avoir obtenu des «avancées notables» en faveur des cheminots. Parmi les concessions du gouvernement : une transition vers le nouveau régime adoucie et un calcul de leur pension plus avantageux. C'est Laurent Escure, à la tête de l'Unsa, qui a annoncé cette trêve, sur le perron de Matignon, pour mieux négocier. Avant d'ajouter : «A la RATP, c'est une autre histoire.» Car l'Unsa RATP, premier syndicat de la régie, a adopté une position bien différente. Après avoir réaffirmé, le 18 décembre, que «le préavis [de grève] sera maintenu au-delà de 2019», elle préfère laisser «les assemblées générales souveraines».
«Ça va monter très très fort en janvier»
Loin des discours des dirigeants syndicaux, la prétendue «fissure» apparaît encore plus mince. Car dans les assemblées générales, c'est un tout autre discours qui est porté par les bases syndicales de l'Unsa, que ce soit de la SNCF ou de la RATP. Côté ferroviaire, plusieurs structures se sont même désolidarisées officiellement de la décision de leur direction. «On continue», a ainsi annoncé l'Unsa Ferroviaire Paris Rive Gauche, dans un tract commun avec la CGT et Sud Rail. Même discours en Aquitaine Poitou-Charentes, ou encore dans le Nord-Pas-de-Calais. Au total, sept régions ont décidé de poursuivre leur mouvement de grève, sans faire de pause, annonçait Didier Mathis, de l'Unsa ferroviaire, le 20 décembre.
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Autre élément venant relativiser le coup de canif porté au front syndical : le gouvernement n'a pour l'heure réussi à apaiser le conflit principalement que sur des questions sectorielles. Et encore, sans parvenir à un réel apaisement, ni à débrancher la CFDT Cheminots qui maintient sa mobilisation. De même, le gouvernement n'a pas gagné la confiance de la CFDT au niveau confédéral. Si cette dernière reste favorable à une réforme de retraites universelle par points – ce qui dès le départ l'a placée, avec l'Unsa et la CFTC, sur une ligne radicalement différente de la CGT, FO, la FSU et Solidaires –, elle demeure très opposée à la copie proposée par l'exécutif. Soulignant des améliorations, sur la pénibilité notamment, elle s'arc-boute sur l'«âge d'équilibre» qu'elle refuse en bloc. Elle donne donc rendez-vous en janvier pour des «actions», mais aussi des «choses plus festives» lors des week-ends. Et Laurent Berger, le numéro 1 du syndicat de prévenir : «Ça va monter très très fort en janvier.»
La relâche et non la trêve
Un calendrier qui colle, finalement, plutôt bien avec celui de la CGT, FO, la FSU et Solidaires. Dans un communiqué commun, du 17 décembre, les centrales évoquent une période «sans trêve jusqu'à la fin de l'année 2019». Sans pour autant donner de rendez-vous particulier en décembre, si ce n'est en renvoyant à des manifestations locales. Certes, Solidaires évoque des «actions du week-end des 21 et 22 décembre, et le 28 décembre un temps fort, à l'appel notamment des syndicats cheminots, et d'autres secteurs en lutte». De même, la CGT annonce une intensification d'actions, comme celles des électriciens qui opèrent des coupures de courant.
Mais la prochaine journée de mobilisation interprofessionnelle annoncée est relativement éloignée : le 9 janvier. De quoi, sans en avoir l'air, acter un certain ralentissement temporaire de la mobilisation. Plusieurs éléments ont pu peser dans la balance : le risque de perdre le soutien l'opinion publique – aujourd'hui plutôt favorable au mouvement – en cas de perturbations trop fortes des transports pour les fêtes, ou encore celui de voir le gros des troupes absent, car parties, elles aussi, en vacances. Les centrales, rejointes par la CGC (cadres), font donc le pari de réussir à relancer la machine à contestation le 9 janvier, après quelques jours, non de trêve (excepté la CGC qui y est favorable), mais de relâche. Au risque de fâcher les grévistes, notamment de la SNCF et de la RATP, qui eux, promettent de rester sur le pont. Et s'inquiètent de se retrouver seuls en lutte pendant les fêtes. «Les confédérations ont décidé de capituler face à ce gouvernement et de partir en vacances jusqu'au 9 janvier», grinçait l'Unsa RATP, le 19 décembre.