«Oui, j’ai le seum, mais je vois aussi les talents»
Ex-directrice de cabinet de Martine Aubry, Violette Spillebout la défiera aux municipales sous étiquette LREM.
Bonjour. Qui êtes-vous ? Quels sont vos réseaux ?
Je suis une Lilloise, 47 ans, mariée, mère de deux grandes filles, qui après un parcours professionnel dans le privé, en mairie de Lille, et depuis 2013 à la SNCF, s’engage en politique pour la première fois. J’anime le collectif Faire respirer Lille.
Quand vous étiez petite, vous rêviez de devenir qui ?
Toute mon enfance, j’ai rêvé de devenir Sylvie Guillem. C’est une danseuse étoile de l’Opéra de Paris exceptionnelle, dotée d’une grâce et d’une souplesse hors du commun. La danse classique a été ma passion et m’a demandé, au conservatoire de Lille, un travail énorme. J’ai fait un autre choix de carrière mais il m’en reste une philosophie de vie : on ne peut accomplir de belles choses sans discipline, travail ni détermination…
Vous avez donné des cours de danse. Si la politique était une danse, ce serait ?
Le tango ! C’est une danse qui a émergé dans les faubourgs populaires de Buenos Aires, une danse symbolique de la mixité sociale, mais aussi de l’élégance, de la séduction et de la nostalgie. Tous les étés, à la Vieille Bourse, les Lillois viennent danser le tango argentin en plein air, c’est unique ! Je pense qu’en politique, il faut, comme dans le tango, savoir être naturel, authentique, fidèle à ses origines, et en même temps savoir guider et donner le tempo avec fermeté et assurance.
Au jeu du «tu préfères», vous choisissez de manger du welsh à tous les repas ou de débuter toutes vos phrases en disant du bien du PS ?
Même à tous les repas, je trouve le welsh moins indigeste que ce que le PS est devenu. Au-delà de la boutade, je trouve ça triste pour ce parti de gouvernement qui a produit de belles idées portées par de grandes figures.
Qu’est-ce qui vous donne le «seum» ?
Quand je vois le peu d’espaces verts à Lille, quand je vois des commerces fermer, quand je constate comme tous les Lillois et les touristes la saleté de nos rues, l’insécurité qui pénalise tout particulièrement les femmes la nuit, et l’assignation à résidence des habitants dans nos quartiers, oui, j’ai le seum. Mais je vois aussi les talents, l’énergie, l’envie de tous ces Lillois et Lilloises. Alors je me mets au travail, je mobilise une équipe et je me dis qu’on va gagner la mairie de Lille.
Aubry, ça rime avec… ?
«Aux abris», car ces dernières années, ses sorties politiques se résument à dénoncer, critiquer, agonir ses adversaires comme son propre camp. Le débat démocratique peut être vif et intense. Il doit aussi être respectueux.
Recueilli par Sébastien Tronche
«Les cardons, c’est un plat qui se mérite»
Grégory Doucet conduit la liste Europe Ecologie-les Verts pour les élections municipales à Lyon.
Bonjour. Qui êtes-vous ? Quels sont vos réseaux ?
Grégory Doucet, 46 ans, père de trois enfants, engagé dans l’humanitaire depuis 2002. Je travaille pour Handicap international depuis 2009. Et je suis vice-président d’une petite ONG, Planète enfants & développement, très impliquée dans la petite enfance et notamment l’implantation de crèches et d’écoles maternelles au Népal, au Burkina Faso…
C’est parce que vous êtes humanitaire que vous avez décidé de vous engager chez EE-LV ?
Le lien n’est pas immédiat. Mais dans l’écologie politique, il y a les mêmes valeurs que dans l’humanitaire : solidarité, justice sociale… C’est l’idéologie la plus englobante : elle traite à la fois de l’environnement, du collectif et de l’individu.
Vous êtes candidat à la mairie de lyon. Vous pensez sérieusement que quelqu’un avec un maillot vert peut gagner dans la capitale des gaules ?
J'ai deux fils qui jouent au hand avec un maillot vert, donc j'ai l'habitude de crier : «Allez les verts !» Je ne pense pas que ce soit rédhibitoire.
Saucisson brioché, quenelles, tarte aux pralines… On mange bien à lyon. Si vous étiez un plat, vous seriez quoi ?
Avant de venir m’installer à Lyon en 2009, je ne connaissais pas les cardons. Ma première fois, c’était dans mon Amap, j’ai regardé cette plante avec circonspection. Mais oui, j’aime ça ! Ça a un goût subtil, c’est un plat qui se mérite.
Quand vous étiez petit, vous rêviez de devenir qui ?
Au CP, à la récréation, on jouait à la cavalerie et, en général, j’étais le capitaine qui emmenait les autres à la charge. J’ai eu d’autres envies, comme d’être jardinier. J’ai réalisé ce rêve en travaillant l’été, à 17 ans, au service Espace verts des Ulis, dans l’Essonne.
Maire, c’est l’anagramme d’aimer, rappelait le poète Benjamin Griveaux. Quelque chose à ajouter ?
Je suis ravi qu’en politique certains gardent le sens de la poésie. S’il entend par là que pour être maire, il faut aimer les gens, c’est une formule qui n’est pas malheureuse. Mais ça sonne comme du marketing quand même…
Les chutes victoria sont à sec à cause d’une immense sécheresse en afrique australe. Vous êtes optimiste quant à l’avenir de l’humanité ?
Ce n’est pas la question. Ceux qui ont pris leur courage à deux mains et se sont engagés dans la Résistance n’ont pas cherché à savoir s’ils étaient optimistes ou pessimistes. De l’action viendra le salut. Je suis dans cet état d’esprit. On ne peut pas se résigner.
Recueilli par Sylvain Chazot
«On est tous là, dans ce décor rococo…»
Candidat malheureux à la primaire de LR en 2016, Jean-François Copé a conservé son mandat à la mairie de Meaux.
Vous avez été député, ministre, président de parti, porte-parole du gouvernement… Quel poste avez-vous préféré ?
J'ai tout adoré ! Je n'ai rien fait par contrainte et j'ai tenté d'imprimer ma marque à chaque fois. Regardez par exemple la vague bleue aux élections municipales et européennes de 2014, quand je présidais l'UMP. Ça fait quelques jaloux aujourd'hui (rires).
La buvette de l’Assemblée nationale est souvent fantasmée. A tort ou à raison ?
Ce n'est pas fantasmé, il peut s'y passer des choses. En 2010, Sarkozy et Fillon ne voulaient pas de la loi sur l'interdiction de la burqa. Ils ont voulu nous empêcher de la faire. Avec Fillon, on s'est sérieusement expliqués à la buvette. Je lui ai clairement dit qu'on ne céderait pas.
Votre plus grand moment de solitude ?
Le lendemain de ma démission de la présidence de l'UMP, le 28 mai 2014. C'est un sentiment d'injustice : je sais très bien que je suis innocent dans l'affaire Bygmalion [il a bénéficié d'un non-lieu, ndlr]. Et puis ce déferlement de haine, c'était terrible. Je me suis demandé pourquoi j'avais consacré ma vie à la politique. Ah oui, pour la France.
Quelle est la scène la plus incroyable de votre carrière ?
Le 21 avril 2002. En fin d'après-midi, on est au QG de campagne, dans une espèce de local improbable, une ancienne maison de passes. Chirac nous fait un brief. Il est persuadé qu'il va être face à Jospin. Villepin nous apporte les premières estimations donnant Le Pen en finale. Chirac s'énerve : «Ecoutez Dominique, laissez-nous, on travaille.» Rebelote quelques minutes plus tard. Chirac s'emporte : «Je ne veux plus voir un sondage !» Le ton monte. Sarkozy dit : «Mais enfin, il faut qu'on ait les sondages !» mais Chirac continue. Puis il s'arrête : «Remarquez, Bernadette me l'avait prédit…» Silence de mort. On est tous là, dans ce décor rococo, et Bernadette Chirac, sur son canapé, rétorque : «Oui, mais je ne le souhaitais pas, Jacques.»
Vous avez un conseil à donner aux nouveaux élus ?
Quittez l'Assemblée nationale et devenez maire. Etre député aujourd'hui ne sert à rien.
Vous savez combien coûte un pain au chocolat désormais ?
Bien sûr. mais j'ai pris une décision irrévocable : je ne répondrai plus jamais à aucune question sur aucun prix d'aucun produit (rires).
Au final, la politique, c’était mieux ou moins bien avant ?
C'est surtout qu'on ne peut plus continuer comme ça.
Recueilli par Sylvain Chazot
«J’ai été séduite et trahie par Macron en un temps record»
Ex-députée PS, Michèle Delaunay a été ministre pendant deux ans sous la présidence de François Hollande.
Vous n’êtes plus députée depuis 2017. La politique nationale vous manque ?
Députée, c’est un mandat qui m’a beaucoup plu et qui ne s’est pas terminé comme je l’espérais. Je voulais faire trois mandats et on n’aime jamais être battu. J’ai su assez vite que je ne ferais pas de troisième mandat, entre un candidat de Juppé et un candidat LREM. Juppé avait en plus demandé – pas officiellement – qu’il y ait des candidats LREM dans les douze circonscriptions de Gironde pour se débarrasser des 11 députés de gauche. Mais il s’est aussi débarrassé des siens. Le fait que nous soyons de nombreux socialistes à perdre m’a enlevé le caractère personnel de ma défaite. Mais ça reste très désagréable.
Qu’est-ce qui vous manque le plus de vos deux ans au gouvernement ?
La fin de mon passage au gouvernement reste ma plus grande blessure. Il était prévu un deuxième acte sur la dépendance. J’étais soutenue par Jean-Marc Ayrault. Ça aurait pu être le totem social de Hollande. Et le remaniement a eu lieu le jour où je devais présenter ma loi en Conseil des ministres. Je n’ai fait que la moitié du boulot. La priorité de Hollande était la jeunesse et il a été imperméable au sujet des vieux. Lui soutenait que quand on travaille pour la jeunesse, les grands-parents sont contents.
Votre pire souvenir politique ?
Le remaniement.
Y a-t-il une anecdote que vous n’avez jamais racontée sur votre passage au gouvernement ?
Sur mes sujets, j’ai eu un rendez-vous avec Emmanuel Macron. Il a été formidable. Pendant deux heures, il m’a écoutée et semblait convaincu. Je croyais que c’était dans la poche. Et absolument rien ne s’est passé. Quinze minutes plus tard, ce n’était plus son sujet. J’ai été séduite et trahie par Macron en un temps record.
Vous avez souffert de sexisme durant votre carrière politique ?
Je n’ai jamais été confrontée à du sexisme graveleux mais un sexisme certain, de fond. Quand vous êtes une femme, on vous donne moins la parole, on vous la coupe plus souvent. Vous êtes aussi moins invitée dans les médias. C’est le pire : l’accès à la parole et la détention de la parole. On vous respecte moins.
La politique, c’était mieux ou moins bien avant ?
C’est une situation évolutive, très différente d’il y a deux ans. Les fondamentaux restent les mêmes. Il faut faire de la politique avec un métier de repli. C’est toujours très séduisant, la politique. J’y ai été très heureuse et je ne peux pas le déconseiller aux autres. Mais il ne faut pas dépendre de la politique pour en faire le mieux possible.
Recueilli par Sébastien Tronche