Menu
Libération
Éditorial

Libertés publiques

publié le 8 janvier 2020 à 21h21

La mort de Cédric Chouviat, le livreur interpellé par la police quai Branly, à Paris, «soulève des questions légitimes», a dit Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur. C'est le moins qu'on puisse dire. Plaqué au sol, comprimé par plusieurs agents sur la chaussée jusqu'à ce qu'il cesse de bouger, ce père de famille a eu le larynx fracturé avant de succomber quelques heures plus tard à l'hôpital. A ces «questions légitimes», donc, la police et la justice doivent répondre avec clarté et célérité. Même si toutes les victimes méritent une égale compassion, le sort de cet homme fort pacifique frappe particulièrement l'opinion. Sa mort est survenue non dans une manifestation ni à l'occasion d'une quelconque confrontation entre protestataires et forces de l'ordre, mais au cours d'un banal contrôle de circulation, comme il s'en produit des dizaines de milliers chaque année. Dès lors, quiconque perd un tant soit peu son sang-froid au cours d'un incident avec la police pourrait se dire qu'il risque d'y passer. Un sentiment qui rejaillira sur la police tout entière, alors même que l'immense majorité des policiers s'efforce, en exerçant ce métier difficile, de respecter les règles républicaines. A vrai dire, les alertes avaient été lancées depuis longtemps. Plusieurs ONG, ainsi que l'ancienne Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), avaient stigmatisé cette technique dite du «plaquage ventral», interdite dans plusieurs pays européens. Sans doute peu soucieux de mécontenter une police dont ils ont le plus grand besoin, les gouvernements successifs ont passé outre et maintenu cette procédure pour le moins musclée. Toujours cette hantise du «laxisme» entretenue par une partie de la presse et de la classe politique, dès qu'on parle des droits des individus et des libertés publiques. Cédric Chouviat l'a-t-il payé de sa vie ? Une question elle aussi «légitime».