Chaque famille politique guette le paysage politique minutieusement, à la recherche d’une ville témoin, celle qui peut lui permettre de raconter une histoire à la hauteur du pays et de ses ambitions. Les écologistes, eux, ont souligné en vert Villeurbanne, à l’est de Lyon. Et pour cause : Jean-Paul Bret, le maire socialiste de ce bastion historique de la gauche rhodanienne, a annoncé l’année dernière qu’il ne briguerait pas de nouveau mandat. A tous les étages d’Europe Ecologie-les Verts, on rêve de prouver cette intuition : lorsqu’un maire sortant rose ne se représente pas, c’est un vert qui le remplace. Comprendre : la fin de vie de la social-démocratie est proche.
Pour son premier déplacement de campagne de 2020, le leader médiatique des écolos, Yannick Jadot, s'est donc invité à Villeurbanne le 6 janvier pour expliquer sa vision : pour lui, la victoire de la candidate verte, Béatrice Vessiller, est «quasi réglée». Une sortie qui n'a pas fait marrer les socialistes. De Paris à Villeurbanne, ils dénoncent l'attitude du grand Jadot. Le député du coin, l'entrepreneur Bruno Bonnell (LREM), cogne également. «Je laisse Jadot à ses calculs nationaux, raille aujourd'hui le député. C'est terrible de se retrouver en position de leader, l'erreur qui guette beaucoup de gens qui pensent que c'est gagné d'avance, c'est la faute de carre…» De son côté, le macroniste pousse des deux mains la candidature d'un ancien socialiste, Prosper Kabalo, qui a également le soutien d'un Modem et de l'UDI. Ses chances sont minces.
Attelage
En politique, la vérité évolue au fil des jours. Aujourd'hui, les parieurs misent sur un match entre l'écolo Béatrice Vessiller et le socialiste Cédric Van Styvendael. Un dirigeant du PS : «Celui qui arrivera devant l'autre au premier tour sera le prochain maire de Villeurbanne.» Le match à gauche est lancé. Béatrice Vessiller surfe sur la dynamique verte. Les spin doctors parisiens soulignent que, ces dernières années, le Rhône a souvent été touché par des épisodes caniculaires. Cédric Van Styvendael, lui, affiche toutes ses couleurs. Le spécialiste du logement social pilote un attelage long comme un jour d'été : le PS, le Parti communiste, Génération·s, Place publique, La France insoumise (dont la section Villeurbanne est en désaccord avec la ligne nationale), la Manufacture de la cité (un mouvement emmené par le directeur de Sciences-Po Lyon) et le Parti radical de gauche. Ce mercredi, le candidat socialiste organise son premier grand meeting avec des têtes d'affiche : Ian Brossat, Guillaume Balas, Boris Vallaud et… Emmanuelle Cosse.
De nombreux regards se tourneront en direction de l'ancienne secrétaire nationale d'Europe Ecologie-les Verts (EE-LV), qui a quitté son parti en février 2016 pour rejoindre le gouvernement de François Hollande au poste de ministre du Logement. Depuis, les liens sont coupés avec les écologistes. La conseillère régionale de la région Ile-de-France rôde autour de la sphère socialiste. Elle est membre du comité de soutien de la maire de Paris, Anne Hidalgo. Au sujet du candidat à Villeurbanne, Cédric Van Styvendael, elle dit : «Je le connais très bien, il a fait du bon travail lorsqu'il était directeur d'un office HLM. Lorsque j'ai vu sa candidature, je lui ai dit qu'il pouvait me contacter si besoin, et c'est ce qu'il a fait.» Emmanuelle Cosse est «convaincue» que la place de l'écologie est centrale, mais qu'il ne faut pas la «démêler» de la question sociale. «Parfois, je lis que le paradigme écologiste va remplacer la gauche, je trouve que c'est un peu court comme réflexion», ajoute-t-elle. Pas sûr qu'elle se rabiboche avec ses anciens copains, notamment Yannick Jadot, qui explique à qui veut l'entendre que le futur se dessine en vert.
Mêmes thèmes
Le candidat socialiste, Cédric Van Styvendael, a, lui, bien tenté de rallier les écologistes à sa cause. «Ils ont décliné, je comprends qu'ils disent vouloir se tester, essayer tout seuls, reconnaît le socialiste. Pour des Verts, dire qu'ils vont prendre le volant, c'est toujours drôle à retenir comme formule.» Lassée de cette hégémonie socialiste, la direction d'EE-LV à Paris réplique : «Toujours pareil avec les socialistes, ils sont prêts à s'allier, mais à condition qu'on se range derrière eux. Cette époque est révolue.» Sur le fond, les écologistes comme la gauche «rassemblée» vantent les mêmes thèmes : justice sociale, urgence climatique et démocratique participative. «C'est le triptyque qu'on utilise depuis vingt ou trente ans, tant mieux si d'autres le reprennent aujourd'hui», commente Bruno Bernard, chef de file EE-LV à la métropole de Lyon. Béatrice Vessiller, la future maire si l'on en croit Yannick Jadot, temporise. Pas question d'insulter l'avenir : «Le premier tour sert à ce que les électeurs aient le choix. On se rejoindra peut-être dans une phase ultérieure.» En attendant, c'est la baston.