Les chiffres le disent clairement et personne ne le nie : la mobilisation contre la réforme des retraites s'essouffle. Que l'on regarde les taux de grévistes ou le nombre de participants dans les cortèges, c'est indiscutable, peut-être davantage dans la capitale qu'en régions. Sans revenir à la normale, le trafic à la SNCF s'en approche. Celui à la RATP commence à s'améliorer. Edouard Philippe pourra donc continuer de se «réjouir», comme il l'a dit mardi à l'issue d'un séminaire gouvernemental. Après 43 jours de grève, comment pourrait-il en être autrement ? La surprise est plutôt inverse. Jamais un mouvement n'a continué de mobiliser autant sur une aussi longue durée. Et l'opinion, elle, n'a pas basculé dans l'hostilité au mouvement, malgré les difficultés engendrées par la grève. Un an après la longue séquence des gilets jaunes, ce constat devrait moins faire sourire le Premier ministre : au-delà même du thème des retraites, il traduit un malaise inédit, profond, qui frappe une partie du corps social. Le chef du gouvernement devrait se garder de crier victoire trop vite. Si le mouvement est clairement à un tournant, bien malin celui qui saura dire vers où, vers quoi, il s'oriente. Un essoufflement progressif mais inéluctable, rythmé par quelques soubresauts déjà programmés par l'intersyndicale, comme le jour de la présentation du texte en Conseil des ministres, la semaine prochaine ? Il ne faut pas l'exclure. Les syndicats qui réclament le retrait de la réforme sont conscients de ce risque. Ils ont cherché sans succès jusqu'ici à élargir le mouvement, notamment au secteur privé. Mais c'est précisément la nouveauté de ces derniers jours : des flammèches apparaissent, dans les ports, dans les lycées. Moins classiques, plus insaisissables, ces mobilisations vont-elles reprendre le flambeau ? C'est l'enjeu de la semaine prochaine.
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