«J’ai été sciée, ahurie. Bocuse, c’est une icône. Je me souviens, quand ma mère mettait une pluche de cerfeuil sur un plat, mon père lui disait : "Tu te prends pour Bocuse !" C’était une expression qui était entrée dans le langage usuel. Il était entré chez tout le monde. Bocuse représentait la cuisine française à l’étranger. Il faut voir l’aura qu’il avait ! Les étrangers y allaient parce que c’était Bocuse, c’était un art de vivre, une manière de voir la restauration, de voir arriver les plats… C’était tout un imaginaire. Il n’avait que des meilleurs ouvriers de France dans ses cuisines, des gens qui le suivaient, qui lui étaient fidèles. Il a formé beaucoup de cuisiniers… Je suis allée plusieurs fois chez Bocuse, on était comme des gamins, c’était extraordinaire. J’avais emmené mon fils de 5 ans, à qui il avait fait un potage aux poireaux. Bocuse lui a demandé s’il avait aimé, mon fils avait répondu "bah non, celui de ma grand-mère est meilleur", ça l’avait fait rire. J’aimerais bien savoir sur quels critères le Michelin lui a retiré l’étoile. Je trouve ça dur. Ce n’est pas parce que maintenant on estime que sa cuisine est un peu surannée qu’on peut détruire un monument comme Bocuse. Ce qu’ils ont fait n’est pas élégant. Bien sûr que c’étaient des classiques, et alors ?»
Interview
Ghislaine Arabian Cheffe des Petites Sorcières (Paris XIVe), doublement étoilée entre 1995 et 1998 au Pavillon Ledoyen (Paris VIIIe)
par Kim Hullot-Guiot
publié le 17 janvier 2020 à 19h36
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