Après une saison 2018-2019 étique en termes de résultats et un début d’exercice 2019-2020 très poussif, Martin Fourcade a retrouvé de sa superbe. Et la place de leader de la Coupe du monde de biathlon. Mais il n’éclipse plus ses compatriotes, avec lesquels il a réussi un quadruplé historique en Suède début décembre. Simon Desthieux, Quentin Fillon-Maillet et Emilien Jacquelin, respectivement deuxième, troisième et septième du général, sont devenus des candidats crédibles au podium final. Profil des potentiels successeurs du roi.
Simon Desthieux, le lieutenant
De tous les disciples de Fourcade, il est celui qui est resté le plus longtemps dans l'ombre du boss. Six longues années à se contenter de triomphes collectifs. Aux Jeux de Pyeongchang, en 2018, s'il ne passe pas loin d'un podium en individuel, c'est lors du relais mixte qu'il brille. Parti avec quarante-neuf secondes de retard sur l'Allemagne, il effectue une course fantastique, à la faveur d'un sans-faute au tir, plaçant ainsi Martin Fourcade dans des conditions idéales pour glaner l'or. Ce n'est qu'après cet épisode qu'il va enfin s'illustrer en solo. Il fait son premier podium en Coupe du monde, une médaille d'argent lors du sprint de Tyumen derrière… Fourcade. L'année d'après, il réalise la meilleure saison de sa carrière (quatrième au général), ponctuée par deux podiums à Soldier Hollow. Dans le même temps, Martin Fourcade s'effondre et finira la saison douzième. Desthieux aurait pu devenir le leader de l'équipe de France, il demeurera second, dans les skis de Quentin Fillon-Maillet.
A 27 ans, il doit alors franchir un nouveau cap, le plus exigeant. Cette saison, il marque les esprits dès la première étape de Coupe du monde, à Ostersund (Suède), avec deux deuxièmes places. Dix jours plus tard, il remet ça lors du sprint d’Hochfilzen (Autriche). Ses concurrents sont prévenus. Jeudi, il finit cinquième du sprint de Ruhpolding. Un résultat qui le propulse à la deuxième place du classement général. Mais Simon Desthieux est toujours à la poursuite de son premier succès en individuel, condition sine qua non pour jouer dans la cour des plus grands.
Quentin Fillon-Maillet, le successeur
En seulement un an, Quentin Fillon-Maillet est passé du statut de jeune prometteur à celui d’outsider, capable de remporter la Coupe du monde. Après des JO complètement ratés à Pyeongchang, le Jurassien a réalisé une année presque parfaite : neuf podiums en individuel dont deux victoires, lors de la mass start (ces courses où les meilleurs biathlètes du moment partent ensemble) à Antholz-Anterselva, et de la poursuite de Soldier Hollow. Surtout, en terminant la saison troisième, il détrône Martin Fourcade de sa position de meilleur biathlète français. Une première depuis 2008. Il n’en fallait pas moins pour que journalistes, experts et adversaires le présentent comme le digne héritier du quintuple champion olympique. Il est érigé en fer de lance de la nouvelle génération. En interne, les Bleus le chambrent gentiment sur sa nouvelle posture de leader. Un rôle qu’il assume de manière décomplexée. Il a confié ne plus avoir peur de Johannes Boe, le Norvégien qui a ultradominé le début de saison avant de prendre un congé paternité.
Après un début de saison mitigé, Fillon-Maillet se réveille au Grand-Bornand en raflant le bronze au sprint et l’argent à la poursuite. Jeudi, il n’a terminé qu’à trois secondes de Martin Fourcade. S’il parvient à régler la mire au tir - il a beaucoup progressé ces derniers mois -, il est capable de rivaliser avec les meilleurs, comme en attestent ses courses sensationnelles au Grand-Bornand et à Ruhpolding.
Emilien Jacquelin, le feu follet
Tirer vite et bien, tel est son credo. Cette année, la mass start du Grand-Bornand résume à merveille sa fougue, son potentiel, ses limites aussi. Il se retrouve au coude à coude avec les frères Boe. Porté par son public, il décoche cinq balles en moins de six secondes au dernier pas de tir. En plus de réaliser le meilleur temps au tir sur l’ensemble de la course, il finit second, devancé in extremis par Johannes Boe. Depuis cette prestation, on le surnomme Lucky Luke. En plus de tirer très vite, le Grenoblois de 24 ans a tendance à partir très fort. Parfois trop, au risque d’exploser en fin de course et de perdre en lucidité.
En quête perpétuelle de confrontation, Jacquelin incarne le biathlon moderne. Pour être au top, il a besoin d’être stimulé et raffole des mass start. Cette insouciance, l’Isérois en a fait sa force. Et le fait d’entrer dans le monde professionnel n’a pas changé son état d’esprit d’un iota. Son envie de faire le spectacle et son besoin de s’échapper comme ses idoles du Tour de France lui ont permis d’obtenir trois podiums cette année, et d’occuper la septième place du classement général. Mais, avant de viser le Graal, il doit parvenir à se canaliser et maîtriser ses émotions. C’est le mantra de ses coachs.