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Libération
Éditorial

Déclassement

publié le 19 janvier 2020 à 21h01

Trop de réformes tuent la réforme ? C’est l’adage paradoxal qui menace le gouvernement dans son rapport - difficile - avec le corps enseignant. La réforme du bac suscite des commentaires contrastés. On comprend qu’un examen unique, stressant, compliqué à organiser, qui joue comme un couperet même si son taux de réussite est élevé, puisse être modifié. Ainsi l’a-t-on allégé en prévoyant la tenue d’examens partiels préalables portant sur telle ou telle matière (un peu comme le bac de français ou comme les épreuves partielles communes à l’université). Mais la réforme se heurte à deux objections : elle risque d’introduire une inégalité devant l’examen, puisque chaque établissement l’organise selon des modalités variables et autour de sujets divers ; elle fait surtout retomber sur les proviseurs un travail supplémentaire, auparavant assuré par les rectorats. Or les chefs d’établissement sont déjà en proie à un malaise lié à leur charge de travail excessive, illustrée tragiquement par le suicide d’une directrice d’école (même si la réforme touche cette fois le secondaire). Dans un délai très court, les proviseurs et proviseures ont dû se changer en improvisateurs, ce qui n’est guère aisé quand on est accablé de multiples tâches. Plus largement, le mouvement de contestation reflète le mal-être général des enseignants. Moins payés que dans beaucoup de pays d’Europe, les profs ont le sentiment d’un déclassement qui contraste avec l’importance de leur mission dans une société inégalitaire et divisée. La réforme des retraites laisse de surcroît planer l’incertitude sur le sort qui leur est réservé en fin de carrière. Le remède ? Il y faut de la reconnaissance, certes, mais surtout des preuves de reconnaissance, qui passent par une revalorisation des traitements, seule manière de compenser leur travail supplémentaire et de les rassurer sur l’avenir de leur retraite.