Avec cette série «Dans la file de la préfecture», Libération vous propose de suivre au long cours les parcours d'étrangers en France. Après plusieurs épisodes à Paris, on a délocalisé cette série à Marseille.
Arrivée sur le sol français en 2011, à Marseille depuis trois ans, elle a eu trois titres de séjour d'un an avant d'enchaîner les récépissés en juillet 2018 dans l'attente d'une carte de résidence de dix ans. Elle a deux enfants français : une fille, Em'madi, âgée de 8 ans, et un fils de 4 ans, Selemani. «Ça fait un an et demi que je reviens presque tous les mois pour le renouvellement de mon titre de vie familiale», souffle-t-elle. Amada espère en effet travailler rapidement pour récupérer la garde de sa fille, très malade, et ramener via le regroupement familial ses deux autres enfants restés aux Comores. Or, les récépissés rendent les employeurs très frileux.
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Atteinte d'une maladie grave du côlon, Em'madi a été prise en charge dès ses six mois dans un centre d'accueil pour enfants et adolescents polyhandicapés, «la pouponnière». A l'âge de cinq ans, elle a été placée dans des familles d'accueil à cause du manque de ressources de sa mère. Sauf que, aujourd'hui, la mère, son compagnon et son fils habitent dans un trois-pièces avec une chambre prévue pour la petite fille. «Amada connaît parfaitement les soins dont sa fille a besoin», témoigne son compagnon.
«Je me retrouve piégée»
Tout en admettant que le retard pris par la préfecture n'est pas la cause principale des problèmes de garde de sa fille, Amada soutient qu'ils l'ont entravée, d'une part, dans sa recherche de travail, mais aussi dans son budget. «Jusqu'à ce que mon fils ait trois ans, j'avais droit au RSA. Après, je devais passer par une autre procédure qui nécessite une carte de séjour et pas seulement un récépissé pour continuer de le percevoir», dit-elle.
Au bout de plus d'un an de galère, la mère de famille obtient une carte de résidence de dix ans, perçoit à nouveau le RSA et poursuit une formation de caissière. «Je veux juste récupérer ma petite fille», confie-t-elle, en haussant les épaules. «J'ai accepté de la mettre dans un centre le temps que je puisse m'occuper d'elle, c'était temporaire et là je me retrouve piégée.» Paradoxalement, la fréquence des visites à sa fille baisse à mesure que sa situation s'améliore : des week-ends avec elle, il ne lui reste plus qu'un mercredi toutes les trois semaines, sous la surveillance d'une assistante sociale.