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Au secrétariat d’Etat aux retraites, un «Pietra» bien équipé

Laurent Pietraszewski à Matignon, le 10 janvier. (Photo Marc Chaumeil)
publié le 23 janvier 2020 à 20h56
(mis à jour le 23 janvier 2020 à 20h56)

Il pensait passer son mois de février sur le banc d'à côté, celui du rapporteur général. Mais la démission de Jean-Paul Delevoye de son poste de haut-commissaire pour cause de multiples «erreurs» et omissions sur sa déclaration d'intérêts l'a propulsé secrétaire d'Etat. Laurent Pietraszewski, 53 ans, va connaître, mi-février, un nouveau baptême du feu parlementaire dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. A lui la mission de défendre un texte technique où chaque article, s'il n'est pas manié avec précaution, peut se transformer en bombe politique face à des oppositions prêtes à tout pour faire trébucher l'exécutif.

«Il peut se casser la gueule»

Sur son CV, «Pietra» est suffisamment taillé pour le job. Rapporteur de la loi réformant le code du travail, l'ancien DRH de chez Auchan connaît désormais les astuces parlementaires et l'ambiance surchauffée d'un débat animé sur une réforme sociale. Membre de la commission des affaires sociales et, très tôt, désigné parmi les «ambassadeurs» de la réforme des retraites au sein du groupe LREM, l'élu du Nord a passé près de deux ans à faire la «pédagogie» des grands principes du futur système universel. Mais certains de ses camarades craignent de le voir trébucher en commission ou dans l'hémicycle. «Pietra, Pietra… C'est Lolo, quoi. Il peut vite se casser la gueule», craint l'un de ses camarades du groupe majoritaire. Ses premières prestations au Parlement, notamment au Sénat, lors de séances de questions-réponses organisées sur la réforme juste après sa nomination, ont laissé entrevoir certaines lacunes techniques. «C'est un sujet tellement complexe, rappelle un syndicaliste qui apprécie l'homme. Il a intérêt à arriver bien briefé et bien armé.»

Pour cela, il dispose à son secrétariat d'Etat d'une «dream team», selon ce même négociateur, constituée par son prédécesseur, Jean-Paul Delevoye. Un décret taillé sur mesure doit même lui permettre de disposer de neuf conseillers (le haut-commissaire, considéré comme ministre délégué, en avait autant) alors qu'un secrétaire d'Etat ne peut pas en avoir plus de six.

«Les mecs, c’est des Martiens»

Parmi eux, Jean-Luc Izard, le directeur de cabinet, connaît par cœur les méandres des 42 systèmes actuels. Cet homme de 59 ans, qui a participé aux ateliers organisés dans la campagne d'Emmanuel Macron sur la réforme des retraites, dirigeait, avant d'être recruté par Delevoye, le groupe d'intérêt public (GIP) Info retraite, organisme destiné à informer les Français sur leurs droits. Avant ça, ce haut fonctionnaire avait navigué entre les directions de la Santé et de la Sécurité sociale, où il a croisé Thomas Fatome, son interlocuteur premier à Matignon «A l'époque, je me souviens que certains lui avaient fait des notes sur le régime universel par points, raconte un ancien collaborateur. Il avait répondu : "Ce truc ne marchera jamais."» Fan d'opéra (il tient même un blog spécialisé) et amateur de jardinage, Izard a la charge de cajoler les partenaires sociaux. «Il est de toutes les réunions et faisait le lien avec nous quand il y avait des coups de bourre», rapporte un négociateur.

Pour ne pas se planter au Parlement, Pietraszewski pourra également compter sur son directeur de cabinet adjoint. Philippe Laffon, 48 ans, est l'homme des détails techniques de la réforme. «Franchement, il est imbattable sur toute la protection sociale, dit de lui un syndicaliste qui l'avait déjà croisé lorsqu'il officiait au Haut Conseil du financement de la protection sociale. Aux réunions, je ne comprenais rien à ce qu'on me racontait ! Les mecs, c'est des Martiens.» Originaire de Limoges, il a fait l'ENA (promotion Cyrano-de-Bergerac, 1999) avant d'entamer une carrière bien rangée de haut fonctionnaire (Igas, Bercy, Santé, Budget, Mutuelle sociale agricole…).

Equipé techniquement, Pietraszewski le sera-t-il politiquement ? En tout cas, il devrait être épargné par la fronde interne qui couvait en cas de maintien d'un âge pivot dès 2022 par le Premier ministre. «Ça ne tanguera pas beaucoup, anticipe un député LREM. A part sur ce sujet de l'âge pivot, cette réforme ne clive pas. On l'a tous portée.»